Trait d’union entre la côte viticole et la plaine de la Saône, Sainte-Marie-la-Blanche a l’art de surprendre. L’église n’est pas en son milieu et la route départementale qui traverse le bourg n’est pas son artère principale. Prospère, l’industrie locale entretient sa profonde ruralité, et le vin, bien que quasiment disparu de son territoire, y joue un rôle important. Décryptage d’un attachant village en trompe-l’œil avec le premier « greeter » des lieux, l’ingénieur Michel Quinet, son maire depuis trente ans.

Il ne faut pas se fier aux apparences. En traversant la localité, on a la vision d’un bourg organisé en longueur, de part et d’autre d’une route, aujourd’hui départementale, hyper fréquentée, qui fait le lien entre le Pays beaunois et le Jura. Son église, plantée comme une vigie à l’entrée ouest de la localité, accentue cette sensation de décentrement. Tout faux ! Sainte-Marie-la-Blanche sait surprendre.
Originaire du monde paysan de la Bresse et ingénieur de formation, Michel Quinet en entretient la belle vitalité depuis une trentaine d’années. Reconduit à chaque élection avec des scores confortables (le syndrome du bon maire), il en a une perception éclairée. Décryptage sensible, en sa compagnie, des points cardinaux de son village chéri, où vivent un peu moins de 1 000 Sanmaritains. Sanmaritain, quel joli nom !
L’église n’est pas en son milieu
Sa version primitive remonte à 1148. Les fenêtres arrondies de sa nef et le fond carré de son abside enseignent que l’église Notre-Dame de l’Assomption a été construite au XIVe siècle… avant d’être détruite, comme l’ensemble du bourg, par un terrible incendie le 8 mai 1607. Seules deux maisons dont le presbytère ont survécu. « Le village a été reconstruit autour des plans d’eau », souligne Michel Quinet. Le centre d’autrefois n’est plus, vive le centre d’aujourd’hui. La charmante petite église, à défaut d’être au milieu du village, a gagné en visibilité. Quand on vient de Beaune, on ne voit qu’elle et de loin. Vigie protectrice du village et des sépultures qui l’entourent, l’édifice mérite aussi une petite visite.

Le centre n’est pas celui que l’on croît
La voie historique principale reliait Beaune à Maizière. La route départementale (ex-route nationale) qui traverse Sainte-Marie, point de passage obligé entre la côte viticole beaunoise et le massif jurassien, fut mise en circulation un peu plus tard, en 1753. « D’où cette fausse impression de village-rue », ne manque pas de rappeler Michel Quinet. Avec 6 000 véhicules/jour en moyenne, sa fréquentation est impressionnante aux heures de pointe. Un sujet du quotidien, savamment et précautionneusement maîtrisé grâce à une matérialisation adaptée et un mobilier choisi, de l’entrée à la sortie du bourg.
Le maire, il est vrai, est un expert en la matière. Ingénieur des Ponts et Chaussées, longtemps chef de service de l’Equipement, il a fini sa belle carrière au sein du comité de direction de la Dreal Bourgogne-Franche-Comté. Autre particularité, la commune, pourtant « spacieuse » et riche de ressources agraires, n’a pas de hameau. Alors, pour bien comprendre Sainte-Marie, dans un environnement vert et soigneusement entretenu, il faut suivre les arbres. Dressés comme de fiers soldats au garde-à-vous, ils « fixent le sens du village ».

Ce vin chéri par la commune
Sainte-Marie-la-Blanche a compté jusqu’à 130 hectares de vignes. On y produisait une appellation régionale convoitée. « Les vignerons de la Côte venaient chercher nos raisins, parce qu’ils donnaient de la couleur et de la matière à leurs propres productions », raconte Michel Quinet. Mais en 1995, l’Inao frappe fort et fait mal. À l’issue d’un combat épique, sous la pression de syndicats viticoles aux intérêts contradictoires, et de la logique implacable du marché, Sainte-Marie est déchue de son appellation régionale. En compensation, on lui accorde l’IGP. La plupart des vignes sont alors arrachées. Cette dégradation est mal vécue.
Aujourd’hui, le vignoble local est réduit à 6,5 hectares, dont un demi-hectare réparti en trois parcelles que la mairie a voulu conserver et confier au proche domaine Rémy. Le vin de Sainte-Marie-la-Blanche est donc toujours vivant. De belle façon, avec les honneurs dus à son rang, comme dans un acte de résistance auquel adhère l’ensemble de la communauté sanmaritaine. Festif et alerte, à l’image des habitants, il rythme les événements d’une vie municipale et associative très dynamique. Le 14 juillet, il rassemble la population. On ne recrache pas le nectar de Sainte-Marie, on l’aime jusqu’à la lie. Rouge, blanc ou crémant, nous le confirmons verre à la main, il honore son terroir.

Inoubliable coopérative
L’IGP de Sainte-Marie-la-Blanche, on la trouve aussi dans le magasin de l’ancienne coopérative locale. À un prix record, 5,50 € la bouteille. Assurément, l’un des produits vineux les plus compétitifs de la Bourgogne et pas forcément le moins bon. Il porte désormais la signature de la très sérieuse coopérative Nuiton-Beaunois qui, très naturellement, a repris les locaux abandonnés de sa mythique devancière créée en 1955, mais qui ne survécut pas au déclassement de l’appellation bourgogne. Aux grandes heures de la production sanmaritaine, on venait des confins de la Bresse et du Jura pour faire le plein d’un vin en vrac remarquable, très accessible. « Un vin de liesse et pas seulement de messe », s’amuse Michel Quinet, qui arrosait malgré tout l’union des jeunes mariés et célébrait les communions chez les gens modestes.
La « coop’ » sanmaritaine était alors l’adresse toute trouvée pour les moments joyeux de la vie familiale et communautaire. Nuiton-Beaunoy et l’incontournable fromagerie Delin, qui possède ici une unité de fabrication et un magasin, ont désormais le projet commun, sous la bienveillance de la mairie, de restaurer le bâtiment existant pour en faire un lieu œnotouristique. Belle reconversion en perspective pour ce site qui propose déjà une gamme complète d’appellations bourguignonnes.

Et un peu d’eau
Jadis, les batardeaux retenaient l’eau pour le bétail et les incendies. Les gravières alimentaient aussi les travaux de construction et d’aménagement. Avec le temps, ils sont devenus les plans d’eau qui font partie d’un décor heureux et contribuent aux plaisirs de l’existence. On y pêche, on s’y délasse, on y pique-nique à l’envi comme dans un film de Claude Sautet ou un tableau de Renoir. Régulièrement entretenus par deux cantonniers municipaux, ces plans d’eau aux noms poétiques (Vendenotte, Garenne, Grand Creux) font partie intégrante de la vie des villageois. Brochet, sandre et carpe sont leurs amis, au bout de la ligne, puis dans l’assiette.


Une pyramide des âges équilibrée
L’accueil des nouvelles familles est un sujet de prédilection pour Michel Quinet, qui rappelle qu’« en 70 ans, Sainte-Marie-la-Blanche a gagné plus de 550 habitants, sans à-coup, avec une progression régulière d’un pour cent par année ». La proximité de Beaune est pour beaucoup dans cette attractivité, ainsi qu’une stratégie de développement qui prend en compte le maintien d’une pyramide des âges équilibrée. Une stratégie qui repose sur un tissu associatif dynamique (une quinzaine d’associations), les services à la personne avec une microcrèche très occupée, et l’acquisition de biens immobiliers par la collectivité. Une vingtaine de logements constituent le parc communal, certains aussi charmants qu’originaux, à l’image de la petite maison de garde-barrière qui accueille désormais une famille. Les bailleurs sociaux et les investisseurs privés participent aussi à cette politique de l’habitat.
Dans le même temps, le commerce a gagné en vitalité. La boulangerie La Vandène a été reprise par Robin Dupré, un jeune pâtissier qui fait bon. Depuis la période Covid, le restaurant La Cuisine de Sainte-Marie est tenu avec entrain et succès par un couple en reconversion, Sandrine et Fabien Bourgogne. L’ex-comptable et l’employé de collectivité, après s’être essayés sur un camion pizza, ont su créer une table gourmande, très française et sans chichi, qui attire les nombreux cadres et ouvriers travaillant dans la région, mais pas seulement. Sans oublier, fin du fin, encore plusieurs coiffeurs en activité.

Village du plein emploi
Dans le milieu des années 70, le jurassien Marius Millet, en route pour Paris, passe régulièrement par Sainte-Marie-la-Blanche. Ce village idéalement situé (proche de l’autoroute et dans un bassin ouvrier réputé travailleur), le persuade de reprendre pour son développement les locaux de l’ancienne fabrique de talons de chaussure et de semelles compensées, Sotalor. Après la faillite de cette dernière dans les années 80, une usine de Millet Plastics Group a redonné vie au site, sans céder aux sirènes des grands groupes. Sylvain Laval dirige depuis 2001 l’unité locale de cette entreprise familiale qui emploie jusqu’à 70 personnes sur Sainte-Marie. Avec une spécialité rare, la fabrication de pièces plastiques par injection et extrusion-soufflage pour des marques comme Yoplait ou Poulain.
Pas très loin, il y a aussi Plastipak, très lié à Coca-Cola European Partners France, qui réduit et recycle les emballages. Mais le monde économique de Sainte-Marie ne se limite pas à la plasturgie, il concerne aussi les univers agro-alimentaire (France Frais Service, coopérative Nuiton-Beaunoy, fromagerie Delin) et mécanique pour ne citer qu’eux. Avec plusieurs centaines d’emplois à la clé. Là aussi, fort de sa mission de premier vice-président de Beaune Côté Sud en charge des affaires économiques, Michel Quinet a su mettre son expertise au service de sa commune.
