Tour de France. Entretien avec François Sauvadet et Christian Prudhomme

Le président du Département de la Côte-d’Or et le patron du Tour de France revendiquent un attachement réciproque. Pas étonnant : le Tour est un vecteur territorial hyper puissant. Il porte « une certaine idée de la France ».

Christian Prudhomme, patron du Tour de France, et François Sauvadet, président du Conseil départemental de la Côte-d’Or. © Philippe Bruchot / CD21

Le Tour de France revient, 7 ans après, sur les routes de Côte-d’Or. En 2024, ce sont pas moins de 3 étapes qui se déroulent ici. Pourquoi ce choix, si peu ordinaire, tant il est rare d’avoir autant d’étapes dans un même endroit ?

Christian Prudhomme :  Il y avait très clairement la volonté avec François Sauvadet de ne pas revenir de façon légère, mais de façon marquante comme en 1997, 2007, 2017…. Les présidents de Départements préfèrent accueillir moins souvent le Tour de France, mais de façon plus frappante. Ça sera le cas cette année en Côte-d’Or, avec trois étapes, ce qui est vraiment exceptionnel. Et au milieu ce chrono 100 % Côte-d’Or, qui est un clin d’œil au département.

François Sauvadet : Trois jours, c’est en effet très exceptionnel. Mais c’est le signe que nous avons, Départements de France (ndlr, dont François Sauvadet est le président depuis juillet 2021) et Tour de France, un lien indissociable. Il n’y a pas de fierté française sans reconnaissance de la fierté de nos territoires, de nos communes, de nos savoir-faire. Nous avons noué un partenariat très solide avec Christian Prudhomme, avec qui je travaille beaucoup en tant que président de l’ADF. Tous les départements sont très impliqués avec le Tour, qui emprunte forcément des routes départementales. J’ai émis l’idée d’un passage en Côte-d’Or, 7 ans après le dernier passage. Christian m’a proposé de faire une arrivée à Dijon, ce qui était tout à fait logique. Et en même temps d’avoir, le lendemain, un contre-la-montre dans les climats et les vignes. Ensuite je lui ai proposé un départ de Semur-en-Auxois, pour que ce soit toute la Côte-d’Or qui rayonne. Le Tour, c’est une certaine idée de la France. Nous sommes fiers de voir cette diversité territoriale, de voir défiler nos paysages, nos agriculteurs, nos vignerons, qui ont façonné nos paysages.

Le moment clé sera sans conteste le contre-la-montre Nuits-Gevrey. Pourquoi avoir choisi ce terrain ?

CP :  Les contre-la-montre font toujours un peu moins d’audience, parce que c’est chaque coureur, l’un après l’autre. Donc il n’y a pas la bagarre, comme sur une épreuve classique, ni la découverte de paysages sur 200 km. Pour contre-carrer ça, il nous faut des endroits remarquables, comme le Mont-Saint-Michel, Rocamadour, Saint-Emilion… Pour le dire autrement, il nous faut des villages qui rayonnent et qui résonnent ! Nuits-Saint-Georges et Gevrey-Chambertin, tout le monde connaît. J’entends le nom de ces villages prononcés avec un accent américain, australien, anglais ou japonais. C’est très évident. Ils savent très bien où c’est, et donc, pour l’organisation, c’est très fort. Quand on est dans un lieu où il n’y a pas de montagne, il faut trouver des éléments pour ne pas enchaîner les étapes de plaine, plutôt destinées aux sprinters. C’est un reproche qu’on me fait souvent : on me dit que je réduis le nombre d’étapes de plaine. Ce n’est pas vrai. En revanche, on les a réparties. On ne met pas plus de deux étapes successives pour les sprinter. Avec les « quatre as » (ndlr, Jonas Vingegaard, Tadej Pogacar, Primoz Roglic et Remco Evenepoel) – on l’espère, si Vingegaard récupère de sa chute du Tour du Pays basque – nous aurons une bagarre exceptionnelle dans ces vignes !

FS : Nuits, Gevrey, le château du Clos de Vougeot… c’est l’image la plus forte à l’international de notre département qui s’exposera. Ce sera une image projetée extrêmement belle de notre région. Mais ce ne sera pas la seule : avec les monts de l’Auxois, le Châtillonnais, nous montrerons la diversité et le rayonnement de notre département.

Que pouvez-vous nous dire du parcours de ce contre-la-montre historique ?

CP : Il est fait pour des rouleurs, avec une descente très technique après la première côte. Il faudra sacrément bien reconnaître le parcours (ndlr, ce fut le cas de Tadej Pogacar, vendredi 16 février, aperçu sur la côte sous une pluie battante). Cela ne se faisait pas il y a quelques années. C’est vraiment très impressionnant aujourd’hui. Les coureurs cyclistes, comme des descendeurs à skis ou la patrouille de France, sont capables en trois ou quatre minutes de fermer les yeux et de visualiser tout le parcours dans leur tête. Là, je dois freiner à tel endroit précisément, à partir du pied de la côte au bout de 23 secondes, etc. Mais ils ne le font pas tous, et ça fait une vraie différence qui peut être de l’ordre d’une quinzaine de secondes à l’arrivée. Celui qui a bien reconnu le parcours obtient un avantage déterminant face aux autres compétiteurs, et également un avantage en terme de sécurité, car il sait précisément où il peut attaquer, et où il y a, au contraire, un risque de chute.

Un contre-la-montre décisif au milieu des grands crus

DBM a reconnu le parcours côte-d’orien en compagnie de Christian Prudhomme. Attention à la descente !

25,3 km, un terrain accidenté, une montée de 1,6 km avec une pente à 6,1 %, une descente très technique qui plonge dans la combe de Chambolle-Musigny avant une arrivée à Gevrey-Chambertin : la 7e étape du Tour de France 2024 s’annonce exceptionnelle à plus d’un titre. Elle sera l’étape clé de la première semaine de l’épreuve. « Le contre-la-montre est toujours un moment décisif, comme les grandes étapes de montagne. C’est l’instant où il faut tout donner, aller au bout du bout sans dépasser la zone rouge, dont on ne se remet pas », analyse Bernard Thevenet (en photo), double vainqueur du Tour de France, qui officie comme conseiller technique auprès de Christian Prudhomme.

Après un départ sur la RD 974, au niveau de la Maison Dufouleur Frères, l’étape commencera dans « la raquette » de Nuits-Saint-Georges. Les coureurs effectueront une boucle au cœur du village, dans ses ruelles étroites, cernées de maisons vigneronnes. Puis ils s’engageront dans la combe, passeront près du site artistique de la Karrière à Villars-Fontaine, sur un faux-plat ascendant qui les conduira jusqu’à l’Étang-Vergy, d’où ils entameront la grosse difficulté de l’étape : une côte de 1,6 km à 6,1 % de dénivelé jusqu’à Reulle-Vergy, puis Curley. La descente, au milieu de la combe de Chambolle-Musigny, un site classé Natura 2000, sera interdite au public pour des questions de sécurité. Les coureurs y atteindront des vitesses supérieures à 70 km/h depuis le col de la Gourdasse (!) situé à 463 m d’altitude, point culminant de cette étape. Après Chambolle, au kilomètre 21, toute la Côte-d’Or s’exposera dans un espace « Savoir-faire 100 % Côte-d’Or » cher à François Sauvadet. 

Après un passage au cœur des 9 grands crus de Gevrey-Chambertin, les coureurs toucheront au but en entrant dans le village par la route des Grands Crus, puis en descendant jusqu’à la départementale, avant une arrivée au cœur du village. « Ce contre-la-montre sera l’étape de vérité de la première semaine du tour », promet le directeur du Tour de France.

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