Il y a un an, l’atelier Fabrice Gillotte partait en fumée : récit de l’intérieur par Julien Gillotte

« En quelques heures, la vie et l’histoire d’une entreprise peut basculer. » Le 19 janvier 2021, le célèbre chocolatier dijonnais était victime d’un grave incendie. Son directeur commercial Julien Gillotte était aux premières loges de ce spectacle désolant. Un an après, alors que l’entreprise table sur un nouvel outil de production de très haut niveau, Julien Gillotte partage sur les réseaux sociaux un texte retraçant cette épreuve hors du commun. DijonBeaune.fr le publie en intégralité.

© Julien Gillotte

Le 19 janvier 2021, 13:45.

« Il y a tout juste un an jour pour jour, un incendie accidentel entamait ses ravages au sein de l’Atelier Fabrice Gillotte situé à Norges-la-Ville. Une épaisse fumée noire inonde rapidement l’atelier et vient obscurcir la zone artisanale et salir le ciel bleu de Dijon et ses alentours. Aussitôt, mon père fait évacuer et sécuriser l’ensemble de nos collaborateurs présents sur les lieux. Je préviens maman en boutique, qui ne réalise pas encore. Certains journalistes et photographes sont là avant même l’arrivée des pompiers.

Un vent contraire incessant accélère la propagation des flammes devenues incontrôlables. L’odeur du feu, le vacarme des machines et des vitres qui explosent sous la chaleur, les sirènes hurlantes des camions rouges, la soixantaine de pompiers qui s’agitent autour du bâtiment… Et pourtant, l’épreuve la plus douloureuse pour moi est ailleurs. Dévasté, impuissant et sans voix, mon père assiste à un cauchemar éveillé. Sous ses yeux, les flammes anéantissent 30 ans de travail, de savoir-faire, de création, d’investissements et de souvenirs en quelques heures seulement. Comme un symbole, l’enseigne Fabrice Gillotte se consume et cède sous le brasier.

L’information fait rapidement la Une des médias locaux. Nos téléphones sonnent sans cesse. Messages et appels de soutien nous rappellent que la situation est bien réelle. Une heure plus tard, nous prenons conscience que la totalité du bâtiment sera bientôt dévastée par le feu. Nous pensons déjà à l’après et programmons le premier rendez-vous d’assurance et d’expertise au lendemain 8h30. Le premier d’une très longue série.

« Une chocolaterie sans son outil de production est une entreprise morte et beaucoup nous voyaient déjà disparaitre. »

17h20, il ne reste absolument plus rien des 1200 m2 de production, de boutique et de bureaux. Bouleversés, regards vides, muets, nos collaborateurs quittent les lieux. Nous sommes tous sonnés par la violence des événements. À cet instant, personne ne sait de quoi demain sera fait. Papa et moi prenons quelques minutes pour nous recueillir devant la carcasse effondrée encore fumante de ce qu’était, il y a quelques heures encore, l’Atelier Fabrice Gillotte. Spectacle macabre d’une cruelle réalité. Nous réalisons alors l’ampleur de l’épreuve qui nous attend mais en ignorons tout. Le soir même, vous pensez avoir tout perdu.

Une chocolaterie sans son outil de production est une entreprise morte et beaucoup nous voyaient déjà disparaitre. Mais papa est un meneur d’hommes d’exception et « L’Ours » n’est jamais aussi fort que dans l’adversité, même un genou à terre. Dès le lendemain, nous devrons aller au front pour survivre et chacun aura un rôle important dans ce chantier colossal. Mes parents et moi étions prêts à affronter le défi titanesque qui nous attendait, mais seuls il était impossible à relever.

Certains collaborateurs sont vite partis, mais ceux sur lesquels vous avez toujours compté ont fait face à la situation avec un immense courage, une solidarité sans faille et une extraordinaire force de caractère. Parce que c’est aussi ça la vie d’une entreprise. Celle d’une aventure humaine capable de traverser les gloires mais aussi et surtout, d’affronter les épreuves. Alors, nous y avons mis corps et âmes pour reprendre au plus vite la production et créer un atelier provisoire afin que vous, clients, puissiez continuer à offrir ou à vous faire plaisir dans nos boutiques.

Conserver les emplois et ne pas rompre ce lien de 30 ans de confiance avec vous était notre priorité. Suite à l’incendie, aucune boutique Fabrice Gillotte n’a connu un seul jour de fermeture. Rien ne fut simple, à chaque jour son lot d’emmerdes mais nous n’avons jamais cessé d’y croire. Nous avons dû repenser entièrement l’organisation de notre entreprise et constamment nous adapter.

« Le 19 janvier 2021 a changé pour toujours notre vision de l’entreprise et de la vie, tout simplement. »

Un an après, nous pouvons être fiers de la résilience dont toute l’équipe à fait preuve et des très nombreuses galères que nous avons surmontées. Tout cela a été aussi possible grâce à nos confrères et amis Patrick Roger (Paris) et Pascal Caffet (Troyes) qui ont accueillis nos équipes dans l’urgence, le temps de l’aménagement de l’atelier provisoire, et à l’aide précieuse de Vincent Guerlais (Nantes), Vianney Bellanger (Le Mans) et Pierre Hubert (Dijon).

Merci aussi à Philippe Noeppel (Novachoc) et aux artisans locaux qui ont fait preuve de réactivité et d’engagement tout au long des travaux (Boch Electricité, Binet Plomberie, Yves Rouleau, Curot Construction, Jérôme & Hugo Meunier). Infiniment merci à nos guerriers : Nic, Fred, JB, Roro, Riton, Lulu, Pierre-Brice, Jojo, Didi, Michel, Nadine, Romu, Corentin et au soutien quotidien de maman, de Louise. Vos centaines de messages et attentions nous ont apporté la force de nous relever.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle nous soumet parfois des obstacles à surpasser. C’est à nous d’en faire des défis, des challenges à relever. Cette épreuve n’est pas la première ni la dernière, mais certainement la plus grande. Le 19 janvier 2021 a changé pour toujours notre vision de l’entreprise et de la vie, tout simplement. Comme le dit souvent papa, « tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». La reconstruction du futur atelier a débuté depuis quelques semaines. Le chemin est encore long, mais des idées, des projets et des rêves plein la tête, nous en sortirons différents et encore plus forts. Le meilleur reste à venir. »

Julien Gillotte