3 anecdotes de vignerons de Bourgogne (1/4) : Dominique Lafon, Olivier Merlin et Amaury Devillard

Dans son deuxième livre In Climats Veritas, publié en 2019 aux éditions Terre en vues, Youri Lebault, spécialiste de l’œnotourisme en Bourgogne, a récolté de nombreuses anecdotes de vignerons de Bourgogne, aussi croustillantes les unes que les autres. Dans ce premier épisode, la parole est à Dominique Lafon (Meursault), Olivier Merlin (La Roche-Vineuse) et Amaury Devillard (Mercurey).

Dominique Lafon (domaine des Comtes Lafon) et Olivier Merlin (domaine Olivier Merlin) © Michel Joly

Dominique Lafon – Domaine des Comtes Lafon (Meursault)

« Fin des années 1980, on fournissait les vins du domaine à Alain Chapel, chef du fameux trois étoiles à Mionnay. Cet homme exceptionnel, qui suscitait l’admiration, avait une réelle amitié pour les vignerons. À ce titre, il organisait chaque année un déjeuner avec tous les vignerons dont les flacons ornaient la carte des vins de son bel établissement ; une assemblée éclectique de bons vivants prenait alors place pour ce cérémonial qu’aucun n’aurait manqué : Jacques d’Angerville, Rémy Krug, Henri Jayer, Hubert de Montille, Gérard Chave, Thierry Manoncourt de Château Figeac, Pierre Ramonet, Jacques Reynaud de Château Rayas, et j’en oublie… Le sommelier, qui avait demandé le menu à Alain, nous téléphonait pour que l’on apporte les flacons en fonction des mets. Tout cela était très formateur, j’ai beaucoup appris. C’était une grande époque ! Lors de l’une de ces agapes, je me suis un jour retrouvé assis entre deux vignerons de caractère : d’un côté Pierre Ramonet, qui avait un accent bourguignon à couper au couteau, et de l’autre Jacques Reynaud, doté d’un fort accent du sud. Les deux avaient entamé une discussion, ils ne parvenaient absolument pas à se comprendre. Moi, au milieu, je faisais la traduction… Ce qui me laisse un souvenir inoubliable ! »

Olivier Merlin – Domaine Olivier Merlin (La Roche-Vineuse)

« Notre aventure viticole a commencé en 1985 dans un domaine familial à Nappa Valley, en Californie. De retour en Bourgogne, plus précisément à La Roche-Vineuse en Saône-et-Loire, nous avons eu la chance de reprendre le domaine réputé de René Gaillard, qui se trouvait dans une des plus vieilles maisons du village, datant de 1650. Nous logions dans le petit appartement glacial et dénué de modernité, sous les toits de cette antique demeure. Tout y était extrêmement rustique et surprenant, voire effrayant ! L’ancien propriétaire, chasseur aguerri, y avait arboré fièrement tous ses trophées : phacochères, mouflons, cervidés, sangliers, bécasses, peaux de ragondins… Les toilettes valaient aussi le détour : incommodants et inhospitaliers, avec le réservoir d’eau suspendu qu’il fallait actionner à l’aide d’une chaîne… Bref ! Un beau jour, le fils de notre ancien patron californien, Greg – sympa et beau garçon, qui roulait à l’époque dans une Chevrolet Suburban V8 – décide de nous rendre visite. Il ne s’était jamais rendu en Europe. Quel plaisir de l’accueillir ! Avec mon épouse Corinne, nous allons le chercher à l’aéroport d’Orly.

Quelle surprise quand Greg découvrit, stupéfait, qu’il allait faire environ 400 kilomètres en Renault 4L camionnette, avec Corinne assise à l’arrière sur un siège de 2 CV, posé sur une planche de bois… Le soir venu, au dîner, lorsque notre invité s’est retrouvé face à son assiette d’andouillette au vin blanc, j’ai compris que nous avions peut-être été malgré nous un peu trop traditionnels. Surtout quand il demanda, certes poliment mais avec une petite mine, « C’est fait avec quoi ? » Suivirent quelques allers et retours aux toilettes dont le fonctionnement lui était complètement inconnu. Pour l’aider à se remettre, nous lui avons fait découvrir l’incontournable gnôle avant de le laisser enfin gagner un sommeil bien mérité dans sa chambre… au beau milieu des souvenirs de chasse. Une journée mémorable pour lui comme pour nous ! »

Amaury Devillard, gérant des domaines Devillard à Mercurey. © Michel Joly / Bourgogne Magazine

Amaury Devillard – Domaines Devillard (Mercurey)

« Il y a quelques années, mon épouse et moi sommes invités à dîner. Je me retrouve à table à côté d’une femme, très jolie de surcroît, qui me demande quel est mon métier. Je lui réponds très sérieusement que je fais rêver les gens. Elle me fixe, tout à fait intriguée. Je lui confirme alors que ce n’est pas le métier auquel elle pense, mais que je suis vigneron. Un peu gênée, elle me lance : « Ce n’est pas mal non plus ! » »

📚 In Climats Veritas, Youri Lebault, Terre en vues, 208 pages, 49 euros.
Pour son second ouvrage, Youri Lebault nous conduit de nouveau sur sa route des Climats de Bourgogne. Autodidacte, ambassadeur hors-pair de la Bourgogne viticole et spécialiste de l’œnotourisme, il entraîne dans ce voyage auteurs et photographes, tous comme lui, passionnés par cette route des Grands Crus. 

🍷 Épisode 1 avec Dominique Lafon, Olivier Merlin et Amaury Devillard
🍷 Épisode 2 avec Jean-Nicolas Méo, Cyrielle Rousseau et Justine Charlopin-Tissier
🍷 Épisode 3 avec Emmanuel Rouget, Nicolas Groffier et Odile Coche-Dury