Fluvial : Les Canalous (Digoin) naviguent à l’hydrogène

Les Canalous à Digoin est l’un des 4 grands opérateurs et fabricants du tourisme fluvial en France. Cette société portée par la famille Carignant vise le verdissement de son imposante flotte. Un premier bateau expérimental voguant à l’hydrogène a été dévoilé, vendredi 28 avril 2023, à la presse. Cap sur une évolution vertueuse de la navigation de plaisance.

Alfred Carignant est le PDG de la société Les Canalous. © Rozenn Krebel

Le tourisme fluvial s’adapte plutôt bien aux nouvelles attentes de sa clientèle. La crise sanitaire est passée par là, éloignant pour un temps l’étranger de nos rivières, obligeant le Français à découvrir ses territoires et voyager en mode doux. « On a vite tourné la page, on a gagné en résilience », résume Alfred Carignant, PDG de la société Les Canalous, l’un des 4 grands opérateurs du secteur.

La voie du « verdissement »

Les Canalous est une création bourguignonne. Sa naissance à Digoin ne doit rien à un savant calcul. Elle est l’œuvre intuitive de deux esprits partageurs et conviviaux dans les années 80 : René l’ébéniste qui se passionne pour tout ce qui flotte et son fils Claude. Respectivement grand-père et père d’Alfred, ils voulaient seulement, au départ, faire des tours sur l’eau avec les copains.

Une histoire qui commence avec deux vieux rafiots ramenés de Bretagne. Puis se prolonge aujourd’hui avec une flotte de 600 bateaux dont la moitié sont loués et le reste commercialisé. Car nous sommes dans le registre du fait maison et du militantisme territorial. Pour rien au monde la famille Carignant ne prendra le large, pas même son développement à l’international, pas même cet incendie qui a ravagé son immense atelier en 2020. Comme si le Covid ne suffisait pas. « Le dépaysement c’est magique » résume Alfred Carignant, très attaché aux valeurs que véhiculent son entreprise et sa soixantaine de collaborateurs. Parmi ces valeurs, « la sensibilité à l’environnement » fixe le cap du capitaine. Non pas parce qu’on s’en fichait avant : « Nous sommes déjà plutôt fiers de notre bilan carbone, mais la prise de conscience collective de la clientèle nous pousse à aller plus loin, en direction du « verdissement » de la flotte, ancré profondément dans notre nature. »

Le Wanday est un bateau de plaisance fluviale dédié à la location à la journée. © Les Canalous

Bateau made in Digoin

Cette amélioration ne doit pas se faire au détriment de l’expérience client, bien au contraire. Les Canalous expérimente l’électrique depuis 2010. La Région Alsace, en 2018, a permis à l’entreprise bourguignonne de tester un parcours avec des solutions de rechargement en 2 heures. L’électrique bannit les odeurs, le bruit et les vibrations. Il n’est pas pour autant la solution ultime et unique dans le domaine du fluvial, tout comme dans ceux de l’auto ou des transports en commun. Le défi énergétique avance au rythme d’un cours d’eau paisible, étape après étape, avec une visibilité limitée.

L’hydrogène est l’autre voie qu’il convient donc de tracer. D’autant que dans une hypothèse vertueuse, ce carburant pourra être directement issu de l’eau qui porte l’embarcation. Un circuit on ne peut plus court.

Il faudra patienter avant d’atteindre cet objectif. Mais Les Canalous ont pris les devants en se rapprochant de Europe Technologies, une société de recherche et développement spécialisée dans l’hydrogène, et en travaillant à la transformation de son Wanday. Ce petit bateau de plaisance fluviale (11,5 mètres sur 3,6 m) est dédié à la location à la journée. « On peut être 12 dessus, avec un équipement sanitaire suffisant, il est idéal pour le pique-nique en famille ou entre amis, il constitue une bonne approche de ce type de vacances », précise Alfred Carignant. Ce bateau flambant neuf, directement sorti de la fabrique de Digoin, montre que Les Canalous empruntent avec détermination la voie du verdissement. La presse a été officiellement conviée à découvrir l’embarcation prodige en ce vendredi 28 avril.

Hydrogène made in France

Mais à ce stade de l’expérimentation, les contraintes sont naturellement au rendez-vous. Le premier né de l’hydrogène coûte trois fois plus cher qu’un de ses petits frères de la génération thermique, soit près de 200 000 euros investis. Un faux problème, toutefois, car la recherche est soutenue et, à terme, une production plus importante impactera sensiblement son prix de revient.

Il faut surtout sécuriser au maximum l’usage du Wanday revisité et destiné à un public qui découvre la navigation. Troisième contrainte : la logique d’approvisionnement. À ce jour, on doit transporter l’hydrogène jusqu’au bateau et ce prototype n’a besoin d’énergie que pour sa propulsion, il n’est pas habitable. Expérimentales, ses locations se feront accompagnées.

Peu importe, Les Canalous voient plus loin. « Les enjeux sont multiples, rappelle Alfred Carignant. On essaie plusieurs technologies différentes en même temps, le rétrofit (ndlr : transformation d’un bateau en électrique) en est un exemple, la solution sera sûrement hybride, nous voulons verdir 20% de notre flotte dans les 5 ans à venir ».

Le Tarpon 42, le bateau étendard des Canalous, est en voie d’hydrogénisation. © Les Canalous

La démarche collaborative avec Europe Technologies et le soutien de l’ADEME se poursuit. Bientôt, la Région Bourgogne-Franche-Comté devrait s’impliquer pour accompagner l’hydrogénisation du bateau étendard des Canalous, le Tarpon 42 qui, en référence au poisson dont il reprend le nom, est conçu pour un usage fluvio-maritime.

Équipé d’une pile à combustible fabriquée à Belfort et d’un réservoir en provenance de la Drome, ce nouveau cas d’étude du tourisme fluvial voguera sous drapeau cocardier. En bon voisin défenseur du Charolais, le chef étoilé Frédéric Doucet (Hôtel de la Poste à Charolles) ne s’y trompe pas. Il a fièrement accepté de jouer le rôle de parrain du premier bateau « hydrogénisé ». Il ne manquera pas de faire quelques grillades d’anthologie en super circuit court sur le grand pont-canal (243 mètres de long !) de Digoin.