Les brasseries artisanales se multiplient. La bière s’installe chez les cavistes bourguignons et s’offre une dimension gastronomique. La revue Bourgogne Magazine s’intéresse ainsi aux accords possibles entre mets et mousse avec l’aide de Brasserie de France à Beaune. Premier test réservé aux amateurs de viande : La Garaudière, l’établissement de Matthieu Chantereaux à Levernois. Dégustation sur le gril !
Petite mise en bouche historico-généraliste : la Bourgogne est sur le podium national de la production de l’orge brassicole. Et c’est à Jean sans Peur que l’on attribue volontiers la création de l’Ordre du houblon au XVe siècle. Le cadre est posé, notre région, viticole par essence, a toute légitimité à revendiquer sa place dans l’histoire de la bière.
Cette boisson dont les origines demeurent un mystère fut aussi la cervoise nationale des Gaulois. Elle a croisé les moines sur sa route. Comme le vin finalement. Il n’y a donc pas malice à dire que son explosion actuelle sur le marché des saveurs bourguignonnes, n’est qu’un juste retour aux sources. Les brasseries artisanales se multiplient, de Sens à Mâcon en passant par Dijon, Beaune ou Chalon.
Il y en aurait une soixantaine, autant qu’à la plus belle des époques dans les années 50. La créativité des faiseurs de bière, inspirés par la philosophie craft beer outre-Atlantique, est impressionnante. Le nouveau consommateur, chez les jeunes surtout, est le moteur culturel d’un tel phénomène.
À chaque numéro son voyage entre mets et bières
Une plongée dans l’univers des accords mets et bière semble donc très naturelle. Avec la complicité de Brasserie de France et de ses charismatiques cofondateurs Jean-Claude Balès et Anthony Verdureau, Bourgogne Magazine propose désormais de faire ce grand voyage découverte, d’un numéro à l’autre. La première étape est courte. Elle conduit les dégustateurs jusqu’à un temple de la viande géographiquement proche de la brasserie beaunoise, La Garaudière à Levernois.
Sur fond de flambée, une magnifique exposition de morceaux de choix annonce la couleur. Pour ne pas dire les couleurs, tant ces 500 nuances de rouge font de cette habile cohabitation de l’aubrac, de la limousine et de la charolaise une savoureuse curiosité. Malgré son couteau fort bien tenu en main, veste de cuisine impeccablement portée, Matthieu Chantereaux, le jeune « tôlier » de l’établissement, inspire confiance. Il maîtrise son sujet.
La Garaudière n’est pas un restaurant gastronomique au sens Michelin du terme. C’est un lieu de rendez-vous charmant pour les amateurs de belles et nobles « barbaques ». L’endroit est chaleureux, le feu permanent, la cuisine extrêmement précise et la terrasse propice au partage des plus merveilleuses côtes de bœuf que la nature puisse offrir, en provenance directe de bouchers exclusivement locaux.
Puis les choses se compliquent. « L’Aubrac est plus florale, avec plus de gras, alors que la Charolaise est plus maigre mais plus longue en bouche », pose d’emblée Matthieu Chantereaux. Après réflexion et dégustation, l’évidence s’impose pour nos côtes de bœuf. La légère amertume et les notes caramélisées de La Beaunoise Triple, généreuse (avec plus de malt et donc plus d’alcool, autour de 7%) et réalisée avec trois céréales bourguignonnes, épouse l’Aubrac jusqu’au terminus de sa finale épicée.
Quant à la Sarrasin, qui porte la signature du vigneron de Chassagne-Montrachet Armand Heitz (fruit d’une collaboration avec Brasserie de France), sa longueur, justement, en fait la compagne naturelle de notre charolaise.
La baie des rognons à La Garaudière
L’expérience ne peut pas s’arrêter en si bon chemin. Le cas des rognons provoque le débat. Votre serviteur, qui n’est pas le dernier à s’en mêler lorsque l’heure est grave, suggère que le rosé de la viande, au même titre que toute viande qui suppose de convoquer des airelles (on pense au foie de veau par exemple), entame une partie fine avec La Beaunoise Cassis. Bingo ! Une salutaire pointe d’amertume épargne au cassis 100% bourguignon les dérives de la sucrosité. Elle met judicieusement en tension un accord entre mets et bière assez sensuel, toute proportion gardée. Plein succès donc, pour la baie des rognons. Mais là, on s’enflamme !
Au même niveau que le vin
Quoi qu’il en soit, la bière offre une palette de goûts suffisamment variée (salé, acide, sucré et amère) pour un mariage de raison (et de saison) avec les mets les plus fins.
Chefs et sommeliers les placent de plus en plus au même niveau que les vins. Le vocabulaire est pointu, les caractéristiques précises, les accords recommandés surprenants et savoureux. Ce premier épisode place haut la barre de nos exigences. La prochaine fois, on salivera sur un autre terrain. Le paradoxe de la bière, tout comme le goût, c’est en effet d’être un mythe universel qui fait le vœu de répondre à des quêtes très personnelles… On vous laisse cette belle réflexion pour la digestion.
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