Apprentissage et handicap : comment l’École des Métiers assume le défi

Martial souffre d’un handicap, comme tant d’autres. Il n’entend pas beaucoup et a besoin d’accompagnement. Mais il se voit boulanger. Grâce au dispositif OPERA, grâce aux moyens mis en place par l’École des Métiers Dijon Métropole, grâce à l’engagement de professeurs qui se spécialisent comme Emmanuel Arnal.

Martial en apprentissage boulangerie à l’École des Métiers et souffre d’une surdité prononcée. Il suit donc un parcours adapté. © Florian Meuret

OPERA. Traduire par : OPérer Ensemble pour la Réussite de l’Apprenti(e). L’acronyme canalise depuis une vingtaine d’années l’accompagnement individuel de ceux que l’administration technocratique appelle « les publics spécifiques et les publics ayant une reconnaissance de travailleurs handicapés ». La définition est froide. Dans la réalité, elle couvre pourtant cette zone sensible dans laquelle un(e) jeune bascule, ou pas, vers le monde du travail. Dans laquelle il ou elle projette sa vie vers la « normalité ». Une normalité qui, pour lui comme pour elle, n’aura jamais rien d’une banalité.

À l’École des Métiers, cette réalité concerne près d’un apprenti sur dix. De quoi occuper largement les journées d’Emmanuel Arnal, coordinateur d’inclusion de publics spécifiques, et ses deux collaboratrices. Rien ne prédestinait au départ ce prof de français et d’anglais à prendre cette voie. Pas de formation particulière. Une envie sans doute. « Le challenge est passionnant, confirme l’intéressé. On peut retirer certaines heures à l’apprenti pour lui épargner une surcharge mentale, on peut aussi allonger son contrat d’alternance, jusqu’à 3 ans, pour compenser. »

Diversité du handicap

La formule fonctionne. Les chiffres de 2022/2023 se passent de commentaires : 72 % de réussite aux examens (du CAP au BTS), 105 apprentis accompagnés et 50 aménagements d’examen. Selon un esprit résumé à trois grandes intentions : poser un cadre structuré et rassurant, établir des AIP ou Accompagnements Individuels du Parcours de formation, participer à l’aménagement du parcours pédagogique des examens.

Le monde du handicap est un monde de diversité. Chaque cas est particulier. Chaque cas mérite une intervention adaptée. Mais chaque cas, sans cet accompagnement, serait à coup sûr voué à l’échec. Avec ce que cela implique, tant pour la personne que pour la société. Martial, du haut de ses 16 ans, le sait très bien. Posé, attentif, le jeune garçon originaire de Quetigny souffre d’une surdité prononcée et de difficultés à suivre le rythme des autres, un programme général bâti sur des critères qui ne lui correspondent pas.

Martial, 16 ans, en plein tressage, sous le regard bienveillant et attentif d’Emmanuel Arnal, coordinateur d’inclusion de publics spécifiques à l’École des Métiers. © Florian Meuret

Dialogue de sourds

« Cela m’oblige à deviner les choses, dans un groupe c’est compliqué, je mélange des mots », résume Martial, qui, c’est une certitude, veut avant tout faire du pain. Son pain à lui. Il en a non seulement les capacités, il veut en croquer. Dans un secteur comme celui des métiers de bouche où la main d’œuvre se fait désirer, voilà qui prend du sens.  L’adolescent veut mettre la main à la pâte, « dans une boulangerie bio artisanale, ce qui serait mieux ». Mais il doit franchir certains obstacles.

Pour autant, est-il attendu comme le messie par les professionnels ? Son handicap peut en effet dérouter certains employeurs peu disposés et encore moins préparés à l’anticipation des incompréhensions du jeune homme. Ironie du sort, Martial a vécu récemment cette mauvaise expérience du dialogue de sourds. Involontairement, le non-dit entre lui et son patron l’avait entraîné dans une erreur de cuisson. Un incident qu’il résume pudiquement : « Je n’avais pas le bon partenaire. » Il aura bientôt un autre « partenaire ».

« On ne met pas encore de micro-cravate pour l’aider, plaisante Emmanuel, mais nos enseignants font preuve chaque jour d’adaptation et de compréhension. Ils créent les conditions d’une meilleure écoute pour lui. » La précaution vaut pour la vie en groupe, qui fait partie intégrante du quotidien de l’apprentissage. Même si souvent, la progression entre camarades se fait naturellement. Aussi, le profil de Martial n’est-il qu’un profil parmi d’autres. 

« Quand on a affaire à un apprenti malvoyant par exemple, on demande aux enseignants d’utiliser de plus grosses polices de caractère », poursuit le coordinateur d’inclusion de publics spécifiques. Dans le monde du handicap, encore plus qu’ailleurs, rien ne peut se concevoir anecdotiquement. Cette diversité de cas est, justement, toute la richesse que Martial et ses camarades de l’apprentissage peuvent apporter à notre société.

> Pré-inscriptions en ligne à l’École des Métiers pour la rentrée 2022/2023