Avec Odivea, Dijon Métropole opte pour une gestion de l’eau partagée

« O » comme une évidence, « div » pour Divio, « ea » pour eau et assainissement. Depuis le 1er avril, Odivea rassemble Dijon Métropole et le groupe Suez dans une même société d’économie mixte pour un meilleur service public de l’eau. Du captage à l’épuration en passant par la distribution, la gestion de cette ressource précieuse se réinvente en mode public-privé sur l’agglomération dijonnaise. 

Vendredi 2 avril, Antoine Hoareau inaugurait les nouveaux locaux de la Société d’Economie Mixte à Opération Unique (Semop) Odivea, rue de la Préfecture à Dijon, en compagnie du maire François Rebsamen et de Bertrand Camus, le directeur général du Groupe Suez. © Ville de Dijon

L’eau est un bien public qu’il faut savoir protéger et partager comme du bon vin. Et sa bonne gestion, un enjeu politique majeur, à la source de nombreux débats sur le pouvoir des gros opérateurs privés auxquels les collectivités locales délèguent généralement ce service public. Mais les choses changent et de nombreux territoires veulent désormais remettre la main sur cette précieuse ressource. L’arrivée aux dernières élections municipales d’élus écologistes à la tête de grandes villes a accéléré le mouvement, les métropoles de Bordeaux et du Grand Lyon ayant notamment annoncé la création d’une régie en charge de l’eau et de son assainissement pour le 1er janvier 2023.

Nouveau modèle de gouvernance

« Entre la délégation de service classique et la remunicipalisation complète, Dijon Métropole a fait un choix intermédiaire, basé sur un partenariat public-privé », explique Antoine Haoreau, président d’Odivea et vice-président de Dijon Métropole délégué à ce sujet. De cette volonté politique est né Odivea, une Semop (Société d’économie mixte à opération unique) détenue par Dijon Métropole (49 %) et le groupe Suez (51 %), en charge exclusivement des services publics de l’eau pour une durée de 9 ans. La première en France à être « multiservices », puisqu’elle sera à la fois dédiée à la distribution et à l’assainissement de l’eau de la métropole. D’une grande partie en tout cas, puisque 220 000 habitants et 15 communes sont concernées sur les 23 que compte la métropole, les autres étant encore contractuellement liées à un délégataire de service pour plusieurs années. 

De fait, cette nouvelle configuration a induit des changements à différents niveaux, sur le mode de gouvernance en premier lieu : « La Métropole, ses élus et donc les citoyens auront une voix au conseil d’administration et un regard plus précis sur la gestion de l’eau et les flux financiers qu’elle génère. Odivea devra suivre des règles et rendre un compte d’exploitation chaque année, ainsi qu’un rapport d’activités qui sera consultable publiquement. Les prises de décision comme les bénéfices seront partagés au profit de tous », détaille son nouveau président. De même, les 80 collaborateurs détachés à Odivea par Suez seront salariés par la Semop, à des conditions fixées dans les règles de départ par la collectivité. 

Odivea va investir dans la station d’épuration Eauvitale (en haut) de Dijon-Longvic pour produire du biométhane dès 2023. Ce gaz « vert » sera réinjecté dans le réseau métropolitain, alors que les techniciens du groupe Suez sont déjà à pied d’œuvre pour installer les nouveaux compteurs d’eau sur le territoire. © D.R.

Moins cher, plus écolo

Autre changement déjà acté, la baisse du prix de l’eau pour l’usager, qui faisait partie du cahier des charges de l’appel d’offres ayant mis en concurrence Veolia et Suez. Depuis le 1er avril, les habitants des 10 communes desservies en eau par Odivea (soit 86 % des habitants de la métropole dijonnaise) ont vu leur facture diminuer d’environ 15 %, le prix de l’eau à Dijon étant passé de 3,98 € à 3,36 € le mètre cube, bien en-dessous des 4,08 € de la moyenne nationale*. Ce premier geste fort donne le ton, celui d’une société qui se veut proche de ses usagers et les reçoit d’ailleurs en présentiel dans son nouveau point d’accueil, rue de la Préfecture à Dijon. Plus économique, l’eau d’Odivea se veut aussi plus écologique et plus innovante, comme l’attestent les 100 M€ d’investissements programmés sur neuf ans, destinés principalement à protéger la ressource et à limiter les rejets polluants.

Concernant le réseau, l’installation de quelque 33 000 compteurs télérelevés offrira aux usagers de nouveaux services en ligne comme la facturation sur la base de la consommation réelle ou l’alerte fuite. Les télédonnées serviront aussi à mieux surveiller le réseau et à cibler les interventions, participant ainsi à réduire les déperditions d’eau. Cette gestion en temps réel des ressources, couplée à l’augmentation d’un tiers des capacités de production d’eau potable de Poncey-les-Athée (une des trois principales sources d’approvisionnement de l’agglomération dijonnaise, dans la nappe phréatique du val de Saône) contribueront à atteindre « un objectif de rendement de réseau de 90 % et une économie de 6,2 millions de m3 d’eau en neuf ans, soit l’équivalent de la consommation de 12 000 habitants », précise Odivea.

Odivea lave plus propre

Dans le registre de l’assainissement, la Semop va investir dans la station d’épuration Eauvitale de Dijon-Longvic qui, dès 2023, produira du biométhane à partir des boues des eaux usées. Soit 10 GWh/an de gaz vert réinjectés dans le réseau de gaz naturel de la métropole. En parallèle, des recherches sont lancées pour réduire considérablement la présence de micropolluants dans les eaux rejetées (lire encadré page précédente) : « Des analyses ont démontré qu’une partie de la pollution échappait aux traitements en place actuellement. C’est le cas notamment des molécules de pesticides et de médicaments, ou des microplastiques issus du lavage des vêtements, se désole Antoine Hoareau. Pour la première fois en Europe, Odivea a prévu d’ici la fin de son contrat d’installer un système complémentaire de traitement sur le débit complet de la station pour rendre non significative la présence de ces molécules dans le milieu naturel. »

Ce nouveau modèle de gestion de l’eau potable dijonnaise s’appuie sur la technologie et le savoir-faire d’un grand groupe industriel, dont l’expertise en la matière n’est plus à démontrer. Il doit encore faire ses preuves, mais semble avoir trouvé dans l’économie mixte une source de jouvence : « Comme dans d’autres domaines, l’alliance du public et du privé permet de maitriser les grands investissements et de renforcer l’efficacité du service public », dixit François Rebsamen.


* Calculée sur la base de la consommation estimée d’une famille de 4 personnes, soit 120 m3 par an, abonnement compris.


Ici commence la mer
Pour limiter l’impact de la métropole sur le milieu naturel de manière significative, le projet prévoit la mise en place d’un traitement pour les micropolluants encore présents dans l’eau rejetée par les stations d’épuration. Après une première phase de recherche et de développement en cours, des essais pilotes seront lancés d’ici à cinq ans pour affiner le traitement proposé et son action sur les molécules à traiter. Le traitement choisi est basé sur l’absorption sur charbon actif, et les pilotes vérifieront la capacité de traitement de ce procédé sur chacune des molécules ciblées. De ces essais pilotes résultera la construction des installations de traitement définitives sur le débit total du rejet de la station, pendant les deux dernières années du contrat.
En parallèle, des programmes de sensibilisation sont lancés auprès de la population, des industriels et autres activités métropolitaines pour réduire les émissions des polluants à la source. À l’image des nouvelles plaques de trottoir « Ici commence la mer – Ne rien jeter » qui ont fait leur apparition sur les trottoirs dijonnais afin d’interpeler la conscience citoyenne des passants. « Il faut faire savoir aux gens qu’un mégot jeté dans un avaloir va polluer 500 litres d’eau jusqu’en Camargue », précise Antoine Hoareau. L’écologie commence toujours par soi-même.