Balade dans les climats de Nuits-Saint-Georges avec Laurent Delaunay

Suivre la Vente des vins des Hospices de Nuits, c’est s’intéresser à la composition passionnante de l’appellation Nuits-Saint-Georges, de climat en climat. Laurent Delaunay en sait quelque chose. L’acheteur n°2 de la vente évoque ses trois cuvées préférées du domaine des Hospices.

Nuits, il connait. Avant de tomber lentement au fond de la cuve dans les années 90, la maison Edouard Delaunay était un pilier du négoce nuiton. Depuis 2017, l’entrepreneur du vin Laurent Delaunay réveille sa propre histoire, à l’Étang-Vergy, dans les Hautes-Côtes voisines. L’arrière-petit-fils du fondateur n’est qu’au début d’une spectaculaire renaissance (lire Bourgogne Magazine n°69 à ce sujet). Dans le même temps, il entretient une relation forte avec la Vente des vins des Hospices de Nuits. Avec 13 pièces l’an passé, il en est le deuxième acheteur. « Avant 1961, il arrivait à ma famille d’acheter toute la récolte du domaine, de gré à gré comme on disait à l’époque », retrace ce féru d’histoire et de patrimoine, soucieux de renouer avec la tradition d’un négoce vigoureux, qui joue pleinement son rôle d’animateur de l’événement pour le compte de clients particuliers et professionnels. Ce qui fait inévitablement remonter quelques anecdotes à la surface : « En 1985 ou 1986, je m’étais retrouvé seul à une vente. Mon père était en voyage et m’avait laissé des consignes d’achat précises, il ne fallait pas se louper. J’étais là, intimidé mais consciencieux, à vingt ans, en train d’enchérir sous quelques regards interloqués de vieux messieurs… » Cet œnologue de formation suit donc avec la plus grande attention le travail de Jean-Marc Moron au domaine des Hospices. Laurent a dégusté deux fois le millésime en cours d’élevage, avant Noël puis fin janvier. Et a isolé trois coups de cœur immédiats, pour lesquels il compte bien agiter son paddle. Suivez le guide.

Nuits-Saint-Georges 1er cru Les Didiers
« Il s’agit du monopole du domaine (2,5 ha). Il a toujours fait partie de nos préférés dans la famille. Je garde des souvenirs émus de dégustation de ce climat dans les années 90. Cette année, ça ne se dément pas. Les trois cuvées se goûtent déjà particulièrement bien. J’ai un faible pour la cuvée Fagon, très fidèle à l’esprit Nuits : nez mur, attaque franche, viscosité, fraîcheur, épices, écorce… Les Didiers ressemblent aux Saint-Georges – les deux climats se touchent – mais ont à mon sens une élégance supplémentaire dans leur prime jeunesse. Là, on est sur des nuances réglissées, soutenues par une belle acidité, qui procurent un plaisir immédiat. »

Nuits-Saint-Georges 1er cru Saint-Georges
« Le seigneur nuiton par excellence, l’un des plus demandés le jour J. Les Saint-Georges du domaine des Hospices sont réputés pour être assez affirmés. On pouvait reprocher à cette vigne de faire de la concentration, dont d’avoir un poil de surextraction à la dégustation. Comme le millésime 2021 est moins solaire que ses prédécesseurs, cela donne un vin très équilibré, à la fois frais et mûr. Cette cuvée des Sires de Vergy, c’est la grande classe. Je lui prédis un très beau potentiel de vieillissement. »

Nuits-Saint-Georges 1er cru Les Corvées Pagets
« Là, on redescend un peu plus au sud, sur Premeaux-Prissey. Ce terroir a des particularités géologiques différentes. Il est très calcaire, associé à des cailloutis. On est plus sur la minéralité et la gourmandise de petites cerises noires. Cette cuvée nommée Saint-Laurent – je n’y suis pour rien – donne un vin déjà sérieux, qui se tient bien, ample, frais, particulièrement complexe. »

61e édition, 109 pièces, 18 cuvées

Le millésime 2021 au domaine des Hospices de Nuits, c’est 109 pièces de vin (dont une seule de blanc)  réparties en 18 cuvées portant chacune le nom d’un généreux donateur. Soit cinq petites unités de moins que l’an passé. Inespéré dans ce contexte. La Côte de Nuits a certes été soumise elle aussi à une alerte sanitaire, mais elle est plus tardive que sa voisine beaunoise et a mieux résisté aux grosses chaleurs précoces suivies des gelées printanières assassines. L’expert Aymeric de Clouet, qui fait partie de l’équipe organisatrice, ne dit pas autre chose. « Ce millésime, c’est l’enfant du miracle ! Nous avions dès le départ la conviction que 2021 serait différent de notre trilogie précédente. » Et qu’il faudra l’attendre sans doute un peu plus, « notamment sur les cuvées les plus fraîches », éclaire Jean-Marc Moron (en photo ci-dessous). Le régisseur du domaine, trente ans de bouteille, agit comme un révélateur de personnalité de ces beaux climats, 12 hectares au total issus de legs depuis le XVIIe siècle.