Christophe Lucand, le maire de Gevrey-Chambertin, passe à l’an vert

Au-delà des grands crus, le premier magistrat de Gevrey-Chambertin capitalise sur un écrin naturel exceptionnel, qu’il conçoit comme le prolongement d’une ville agréable à vivre. Pour 2022, Christophe Lucand passe plus que jamais à « l’an vert ». Et a les idées à l’endroit.

Christophe Lucand pose avec un plant de hêtre, « essence commune ici qui souffre maintenant du réchauffement climatique« . © Jean-Luc Petit

Christophe Lucand
> 52 ans
> Maire (PS) de Gevrey-Chambertin depuis 2020
> Conseiller départemental du canton de Longvic
> Maître de conférences en histoire contemporaine et chargé de cours à l’IUVV (Chaire Unesco Culture et Traditions du vin) et à Sciences Po Paris

Notre rubrique commence toujours ainsi : quel est votre lien intime avec la ville ?

Je suis né à Semur-en-Auxois et ai passé mon enfance à Saint-Bernard, dans la plaine nuitonne. Je suis donc presque d’ici (sourires)

Nuits, parlons-en rapidement…

J’ai en effet présidé pendant six ans la communauté de communes de Gevrey, puis de Gevrey-Nuits sous l’effet d’une fusion que j’ai engagée. Je suis fier d’avoir aidé à réunifier la côte en évitant les polarisations des deux communes. Avant, politiquement, franchir Chambolle, c’était l’autre monde. Les maires ne se connaissaient pas.

Et Gevrey dans tout ça, alors ?

J’avais en moi le goût de l’engagement pour les autres, de la politique locale. Le hasard des rencontres, comme toujours, a fait le reste. J’ai intégré l’équipe de Jean-Claude Robert comme conseiller en 2008. Gevrey-Chambertin n’est pas non plus n’importe quelle ville à mes yeux, étant donné mon parcours universitaire et ma passion pour la vigne et le vin.

Ce socle historique est-il un avantage dans la vie de tous les jours ?

À certains égards. Être historien m’aide, d’abord car le recul historique sur les choses aide parfois à la prise de décision. Je me suis toujours senti à l’aise sur l’histoire de la commune, du vignoble, de la Côte de Nuits. Ce que beaucoup de gens, les pros du vins notamment, ont parfois perdu. Le folklore a un peu remplacé tout ça. 

On aurait vite fait de proclamer Christophe Lucand « maire des vignerons ». Et dans les faits ?

Nous comptons une cinquantaine de domaines pour 3 000 habitants… L’histoire de Gevrey, c’est avant tout celle d’un village de cheminots marié à une identité viticole. Avant d’être la capitale des grands crus, c’est le pays des valeureux.

Gevrey-Chambertin revendique une identité viticole connue dans le monde entier et un écrin naturel remarquable. La Halle Chambertin fait la synthèse de cet état d’esprit.

C’est aussi un Gevrey « vert », qui s’articule entre un vignoble star mondiale et une réserve naturelle exceptionnelle…

Notre Halle Chambertin est la synthèse de cette identité : un nouvel espace touristique pour découvrir le vignoble. Une trentaine de domaines ont intégré la Halle à travers une SAS. On peut ainsi déguster des vins quasiment introuvables, et appréhender notre autre facette qui est la biodiversité. D’où le choix d’un plant de hêtre pour la photo : cette essence si commune ici souffre maintenant, à cause du réchauffement climatique. Nous sommes une commune forestière (600 ha de forêts), propriétaire d’une réserve nationale à protéger. La Combe Lavaux-Jean Roland abrite des espèces rares, voire uniques au monde comme la buiscuitelle.

Côté patrimoine, le château de Gevrey est le symbole de l’esprit clunisien. Qu’en est-il de sa cure de jouvence ?

C’est un domaine privé, l’interaction municipale est donc ce qu’elle est. Le propriétaire chinois s’est engagé sur une importante campagne de travaux qui s’achèvera bientôt. Je m’en réjouis : le château est splendide, réhabilité dans les règles de l’art. Personne d’autre n’aurait pu le faire, qu’on se le dise. Nous allons justement embellir son environnement, et établir des partenariats, avec des événements ouverts à tous. Notre interlocutrice habite à Beaune. J’espère que le propriétaire, qui est évidemment un passionné de Gevrey et ses vins, comprendra qu’avoir un tel bien, cela oblige.

Trésor patrimonial local, le château de Gevrey et ses deux hectares de vigne ont été rachetés en 2012 par un investisseur chinois. © Jean-Luc Petit

Quel regard le maire porte-t-il sur ces investissements, comme en 2018 avec la famille Bouygues et le domaine Henri Rebourseau ?

Le domaine est à côté de la mairie. Je suis heureux de voir que des investisseurs de sa nature s’intéressent à notre vignoble. Il investit depuis plusieurs années dans la construction d’une impressionnante cuverie, qui mobilise des entreprises locales. 

Le foncier viticole est-il une voie de prospérité pour la municipalité ?

Bien sûr. Tout cela a du sens. La commune est propriétaire d’un petit hectare en appellation village. Je me suis engagé à élargir ce patrimoine, avec mon adjoint Philippe Humbert qui connait ça par cœur puisque c’est sa vie. Au niveau du stade, nous allons planter du chardonnay. Une autre, en direction de la combe Lavaux, suivra. On ne fait pas ça pour faire de l’argent : ces bouteilles servent à l’événementiel, aux associations, et pour faire de beaux cadeaux aux amis de la commune. S’il était passé par là en novembre dernier, le couple Macron-Merkel aurait eu droit à son magnum introuvable de Gevrey-Chambertin !

Votre table est aussi appétissante : un restaurant étoilé, un festival qui cartonne, un marché des produits locaux…

Nous avons des restaurants de toutes les gammes, pour tout public. Certaines sont effectivement des adresses d’excellences comme Chez Guy ou à la Rotisserie du Chambertin et sa table d’hôtes étoilée. Bravo d’ailleurs à Thomas Collomb, qui a vraiment joué le jeu du festival Gevrey Wine & Food. Son établissement a reçu une étoile verte, celle de la gastronomie durable, qui dit aussi quelque chose sur la coloration de la commune : vin, gastronomie, nature et écologie.

La Place des Marronniers, où un marché le dimanche, est un nouveau point de ralliement. Pour réunir les habitants du « haut » et du « bas » qui ne se croisaient pas beaucoup ? 

C’était un site central, idéal, mais délaissé. Gevrey est étiré de 5 km d’est en ouest : il fallait à tout prix créer un point névralgique, avec de la vie et des gens qui se rencontrent. C’est le cas depuis plus d’un an. Alors que les circonstances n’étaient pas vraiment favorables, ce marché des produits locaux cartonne ! En plus, c’est toujours l’occasion d’une balade dominicale dans les environs.

Gevrey-Chambertin (3000 habitants) est dotée d’une composition originale, étirée de 5 kilomètres d’est en ouest et scindée par une route nationale © D.R.

D’autres lieux de vie sont au programme…

L’aménagement d’un parc municipal de 4 000 m², la réhabilitation du quartier des écoles autour d’espaces verts : l’idée est d’être à l’aise dans une sorte de second cœur de ville. Le troisième projet est la construction d’une salle polyvalente (400 places assises), sur le site du complexe sportif. Nous menons tout de front. 

Cela dit, vous estimez la fréquentation touristique encore insuffisante. Neuf grands crus, c’est joli sur l’étiquette, mais ça ne fait pas tout ?

Gevrey-Chambertin a un nom sonore, c’est une marque territoriale formidable, connue dans le monde entier, mais encore sous exploitée à l’échelle locale. Il ne faut pas s’endormir sur nos lauriers. Nous avons beaucoup travaillé sur l’axe dijonnais par exemple, en lien avec notre office de tourisme. Dijon est à 11 km. C’est à la fois proche et loin. Et j’ai le sentiment que le Dijonnais nous boude encore un peu… Je lui lance volontiers un appel du pied ! Ici, il peut venir et rester, nous sommes à portée d’événements, à 8 min en train.

Sur le terrain économique, la ZAE des Terres d’Or comptera bientôt 20 ha à aménager. Bonne nouvelle ?

Parmi ces 20 hectares, 12 sont en zone privée (ex-zone APRR) et 8 sont en commercialisation par la comcom. Terre d’Or 1 et 2 sont propriété de la commune et Terre d’Or 3, route de Saint-Philibert, est portée par la comcom. Cette grande zone d’activités regroupe déjà 1 800 emplois dans le service, l’industrie, les transports. Avec quelques pépites comme comme Louss qui produit des leds haut de gamme, Atol – pas les lunettes – une boîte informatique super jeune, SD Service, leader français de l’aménagement de véhicule d’entreprise. Sans oublier Tayco (ex-Simel), 300 emplois, soit un dixième de la population municipale. Au bout du compte, Gevrey-Chambertin, c’est au total 3000 emplois pour 3000 habitants, ce qui n’est pas si courant. Cette vitalité est le prolongement de notre histoire cheminote et ouvrière. En tout cas, je rêve d’un casting de PME pionnières, dynamiques, qui recrutent. Certainement pas d’une zone de dépôt avec des grands hangars façon Amazon.

C’est un serpent de mer : à quand une sortie d’autoroute digne de ce nom, autre que celle de Fenay-Domoy ?

Les choses bougent. La première étape, la plus difficile, est d’être qualifié par le Ministère des Transports et de l’Écologie. Ce dernier donne son accord pour l’obtention d’un échangeur autoroutier. C’est le cas depuis le printemps dernier, suite à la venue du ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, qui a validé la pertinence du projet. Nous sommes dans la phase active, avec une étude de faisabilité en concertation étroite avec APRR. Viendra très vite le sujet des financements. Et pourquoi pas ? Ce sera notre porte d’entrée Unesco !

Christophe Lucand fixe le cap du bien-vivre à Gevrey entre patrimoine, nature, vin et gastronomie. © Jean-Luc Petit

En Côte-d’Or comme ailleurs, notre époque covidée a réaffirmé la place du maire dans le destin d’un territoire. DBM et DijonBeaune.fr invitent un casting d’élus devant l’objectif de Jean-Luc Petit pour récolter leur témoignage. Les autres épisodes de notre chronique « Face au maire » :
Thierry Falconnet (Chenôve)
• Ludovic Rochette (Brognon), président des Maires de Côte-d’Or
• Fabian Ruinet (Talant)
• Jean-François Dodet (Saint-Apollinaire)
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