Ludovic Rochette : « L’élu préféré des Français reste le maire »

Il est une sorte de « maire des maires », en qualité de président de l’association qui les représente en Côte-d’Or (AMF 21). Lui-même élu de longue date à Brognon, en pays de Norge et Tille, Ludovic Rochette redit plus que jamais son engagement pour les 698 communes qui composent le département et son attachement à la fonction.

Ludovic Rochette, président de l’association des Maires de Côte-d’Or. © Jean-Luc Petit

Dur, dur, d’être un édile. Êtes-vous simplement masochiste, ou bien existe-t-il un autre plaisir à tirer de cet engagement ?
Si la fonction est dure, et si certains s’inquiétaient avant les élections de 2020, les 698 communes de Côte-d’Or ont toutes un maire. Ce qui prouve que l’attachement à son territoire et la volonté de travailler pour sa communauté sont plus forts que la crainte. C’est ce qui m’anime : protéger, façonner le territoire que j’aime et au sein duquel je me sens bien. Un mandat est une aventure humaine, avec une équipe. On peut tout à fait très bien vivre son mandat, c’est mon cas. On peut aussi souffrir de solitude ; c’est aussi une fonction de l’association des maires que d’épauler les élus.

2020 restera l’année de municipales hors du commun (44,66 % de participation au 1er tour en France). Que vous ont dit vos pairs à ce sujet ? Ont-ils le sentiment d’être fragilisés dans leur reconnaissance et de marcher sur des œufs ?
Ce mandat est inédit et, d’ailleurs, on ne sait plus trop quand il a commencé ! Si on a l’impression que l’on marche parfois sur des œufs, c’est beaucoup plus à cause de la situation sanitaire qu’à cause du taux de participation des dernières élections. On aurait aimé un autre cadre, mais ce qu’ont fait les maires et leurs équipes pour soutenir leur population depuis le printemps dernier est remarquable. La reconnaissance de nos habitants est la plus belle preuve de légitimité que l’on pouvait attendre. Tous les élus se sont par exemple « défoncés » pour trouver des masques. Et ça, ça ne s’oublie pas. 

Dans une société en mal d’apaisement, le statut de l’élu est-il toujours autant respecté  ? Sans jouer aux vieux nostalgiques, la sainte trinité républicaine maire-instituteur-curé a un peu changé…
L’élu préféré des Français reste, de loin, le maire. Nos habitants savent la difficulté de la fonction, et les conditions de plus en plus dures pour gérer une commune. Hélas, comme nous sommes des élus accessibles et disponibles, nous sommes « à portée de baffes ». Si cette expression pouvait auparavant faire sourire, elle ne m’amuse plus du tout. Toute agression est insupportable et celles de femmes et d’hommes représentant la République sont elles aussi inadmissibles. Avec le procureur de la République, nous travaillons afin que mes collègues maires ne sentent plus seuls. La parole des élus s’est ouverte sur ce sujet qui était tabou.

« Nous sommes « à portée de baffes ». Si cette expression pouvait auparavant faire sourire, elle ne m’amuse plus du tout. »

Cette crise, dans un réflexe humain, a malgré tout resserré nos considérations. Le « consommer local » en est un signe sensible. Ce constat profite-t-il effectivement aux communes ?
Avec les Gilets jaunes, certains jacobins ont redécouvert les maires. Avec le Covid, les mêmes ont redécouvert la commune. Mais une valeur qui semblait ringarde devient plébiscitée : la proximité. Oui, nous avons des producteurs locaux de qualité et nos populations ont eu cette volonté de les faire travailler. Beaucoup ont découvert que notre territoire est composé d’une multitude de ressources alimentaires remarquables. Je pense par exemple au Drive Fermier. La commune n’est plus ringarde, elle est au cœur de cette nouvelle aspiration de beaucoup d’entre nous : pouvoir vivre dans un cadre humain. Les coups de téléphones dans les mairies pleuvent : pour trouver une maison à vendre ou à louer, pour connaître les productions locales, etc.

La fusion NOTRé est plus ou moins digérée, le mandat qui s’ouvre est celui des grands projets pour nos territoires. Ce numéro de DBM s’intéressant particulièrement à la formation, les maires – et en particulier le tiers de nouveaux élus – en ont-ils plus que jamais besoin pour gravir la montagne d’enjeux à venir ?
37% des maires de notre département entament leur premier mandat. La fonction est de en plus complexe, une part de notre population devient aussi encore plus exigeante. Aussi, l’information, la formation et le conseils sont au cœur des actions de l’AMF 21. Nous avons ainsi recruté un juriste qui conseille au quotidien les maires qui nous appellent. Ce mandat sera stratégique et les maires ont et auront besoin d’avoir des informations fiables et hiérarchisées au cours des prochaines années : la gestion de l’espace, l’eau et la mobilité en seront notamment les grands enjeux. 

Justement, le numérique et les mobilités sont aussi au cœur de vos préoccupations. Sur ces points, la Côte-d’Or des champs sera-t-elle pour toujours opposée à la Côte-d’Or des villes ?
Continuer d’opposer les territoires a encore moins de sens aujourd’hui. Au contraire, ils doivent dialoguer. C’est aussi une des fonctions du président des maires que d’aider à cette écoute mutuelle. Nous avons à mailler le département avec la fibre optique et le Conseil départemental est en train de réussir ce tour de force. Nous avons à réussir la transition écologique dans laquelle se retrouvent les politiques de mobilité. Prévoir et construire ces politiques chacun dans son coin n’a aucun sens. Ce serait même une erreur d’analyse de ce qui se passe aujourd’hui. Nos habitants attendent de nous beaucoup sur ces sujets et ils ont raison. 

On évoque toujours le plus haut sommet de l’État pour aider les entreprises. Quelle marge de manœuvre les communes ont-elles pour accompagner la relance ?
Les communes et les intercommunalités sont au cœur de la politique de relance. Elles représentent les deux tiers des investissements publics. Nous travaillons notamment avec la FRTP et la FFB afin que le bloc communal assure un rythme de commandes publiques stable et que nous n’ayons pas « d’effets yoyo ». Néanmoins, les communes ne peuvent pas comme l’État voter des budgets en déséquilibre. Elles ne peuvent emprunter, comme l’État, pour leur fonctionnement mais uniquement pour investir. Bien entendu, l’asphyxie financière des collectivités qui a été organisée depuis une décennie trouve aujourd’hui sa limite. Si l’État veut que les communes contribuent fortement à la relance, il faut aussi qu’il permette à ces dernières de pouvoir continuer à investir.

🎥Retrouvez mon intervention sur la situation sanitaire, le Plan de soutien Solidarités Côte-d’Or et le Contrat de relance et de transition écologique lors de la #SessionDep21

Publiée par Ludovic Rochette sur Mardi 26 janvier 2021

En Côte-d’Or comme ailleurs, on s’est aussi rendu compte qu’il existe une vie après la ville, que le péri-urbain offre un cadre de vie privilégié. Qu’en dit le président de la Communauté de communes Norge et Tille ?
La communauté de communes Norge et Tille a des atouts de dingue ! Un cadre de vie agréable, un tissu économique dense, des communes hyper dynamiques… Elle attire beaucoup et toutes les générations. Aussi nous travaillons sur un projet de territoire afin d’adapter nos politiques et nos services. Le village dortoir, c’est derrière nous. Façonner un espace où l’on grandit, où l’on travaille, où l’on consomme… bref, un territoire humain, c’est ce que nous voulons construire. Au village dortoir, je préfère le village réfectoire, dans le sens où on échange et on partage des moments de convivialité avec son voisin.

Plus personnellement, vous avez été élu à Brognon en 1998, à l’âge de 26 ans. Quel regard le maire senior (façon de parler !) porte-t-il sur le junior ?
D’abord, le temps passe très vite ! La même énergie m’anime. Mais la gestion d’une commune au siècle dernier n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Cette forme d’inconscience que je devais peut-être dégager, je la souhaite à tous les nouveaux élus, particulièrement aux plus jeunes. Aujourd’hui, je mets l’expérience que j’ai acquise à différents niveaux à disposition de l’AMF. J’ai la responsabilité au niveau national de la commission des communes et territoires ruraux. Je suis aussi membre du comité des finances locales. J’espère que, là aussi, je suis utile aux 698 communes du département. 

Pour terminer, amusons-nous un peu : quel serait votre portrait-robot d’un maire côte-d’orien idéal pour le mandat à venir ?
Un maire qui, bien sûr, aime son village mais qui sait aussi en sortir pour profiter des initiatives de ses collègues. Diffuser les initiatives des élus et encourager une porosité, c’est aussi le rôle de l’AMF 21. Un maire doit avoir de l’imagination, de l’audace, une capacité d’adaptation. Il doit être aussi doté d’une belle patience et avoir des nerfs en acier ! En ce sens, le début de mandat marqué par la crise sanitaire est une épreuve d’endurance mais aussi une expérience inédite qui a blindé l’ensemble des maires. C’est sûrement la plus dure mais aussi la plus efficace des formations que pouvaient suivre les nouveaux élus. J’admire particulièrement mes collègues qui restent fidèles au poste, malgré les tempêtes que nous traversons.