Le Comte Philippe Senard a pris le large

Vigneron réputé, haut dignitaire du Tastevin, marin aguerri et passionné, le Comte Philippe Senard a pris le large dimanche 21 février. Le château du Clos de Vougeot et la Bourgogne sont en deuil.

Philippe Senard à l’été 2020, à l’occasion d’un repas servi dans la cour du château du Clos de Vougeot. © D.B

Un soir de juillet pas comme les autres, d’une année pas comme les autres. Il est là, à nos côtés, à prendre plaisir à ce repas test des nouvelles soirées estivales du château du Clos de Vougeot. À profiter de ce joli moment de respiration alors que le monde entier tente de se déconfiner.

Le Comte Senard, que nous avons l’honneur d’appeler Philippe, a bon appétit. Agréable, aimable comme toujours, il distille entre deux plats son humour so british. Gourmand de la vie, curieux des autres. Philippe, après tout, est chez lui dans ce château. Il y occupe, après une quarantaine d’années de bons et loyaux services protocolaires auprès de la confrérie des Chevaliers du Tastevin, un rang de « sage ».

Mais l’homme se bat, depuis un certain temps déjà, contre un mal sournois qui le ronge de l’intérieur. En ce beau soir d’été 2020, il a remporté une bataille difficile, conscient malgré tout de l’issue possible de cette confrontation qui se répétera. La victoire du moment lui donnera à peine une année de répit. Jusqu’au grand voyage final, lui le marin aguerri.

Capitaine vigneron

Philippe Senard a tiré sa révérence dimanche dernier, après quelques semaines d’une nouvelle lutte, et soixante-douze vendanges derrière lui. Là-haut, il retrouvera quelques vieux copains, dont le pétillant vigneron Philippe Engel, qui s’était éteint sous ses yeux, il y a de nombreuses années maintenant, sur un bateau, entre des îles lointaines. 

Philippe aimait le vin qu’il faisait avec passion. Il aimait tout autant le grand large qu’il prenait dès que possible. Capitaine de son domaine, le vigneron gardait en permanence le cap des plaisirs de la vie, le sextant rivé sur la découverte de l’autre. Pionnier de l’œnotourisme, sa table d’hôte prolongera l’empreinte de son nom et de son œuvre, sur les terres d’Aloxe-Corton. Lorraine, sa fille, elle aussi pleinement engagée au service de la bachique confrérie, en a fait sa mission.

À cette dernière, à son fils Mathieu et à son épouse Béatrice, nous adressons nos pensées les plus affectueuses. Depuis jeudi, le Comte repose dans sa terre de Corton. Libre, entre ciel et terroir, son esprit navigue dans une mer de vignes prestigieuses et reconnaissantes.