« Tellus » : quand l’ancienne Carsat BFC devient une éco-cité durable

En 2016, la Carsat BFC s’est vidée de ses occupants, partis pour leur nouveau siège à Valmy. De cette coquille vide, l’opérateur immobilier dijonnais LCDP et Aire Nouvelle (filiale d’Engie Solutions) prévoient à l’horizon 2023 une « éco-cité » exemplaire sur les plans environnemental et énergétique. Ce site de la ZAE Cap Nord apparaîtra sous les bons auspices de la déesse romaine de la Terre : Tellus.  

En zone d’activités Cap Nord à Saint-Apollinaire, l’ancien site de la Carsat Bourgogne-Franche-Comté sera un exemple de réarchitecture : 18 000 m2 au sein d’un espace de 3 hectares bénéficieront d’un véritable renouveau dans le cadre du projet Tellus. © Archigroup

« Nous vivons à l’ère du réemploi et des matériaux biosourcés. Construire n’est pas la seule voie vertueuse de l’immobilier de demain : ne pas détruire en est une autre. C’est tout l’enjeu de cet énorme chantier. » Thierry Coursin savoure. LCDP, le groupe qu’il préside en tant que « porteur d’opérations immobilières innovantes, engagé vers plus de développement durable », va donner aux anciens bâtiments de la Carsat régionale une nouvelle vie. 

Déjà impliqué dans la construction du nouveau siège de la Caisse d’assurance retraite à Valmy (2016), ce meneur de gros projets connait bien la friche administrative de l’ex-Carsat, située rue de Cracovie en ZAE Cap Nord. Il réfléchit à son ambitieuse reconversion depuis plusieurs années. « Notre approche permettra d’ouvrir le site sur son environnement et de renforcer son attractivité. Ce doit être un emblème de l’écobâtiment de demain, en intégrant les plus hauts standards énergétiques, écologiques et sanitaires, en s’engageant dans la valorisation des matériaux à travers une démarche d’économie circulaire et une certification Cradle-to-Cradle (ndlr, certification internationale qui repose sur le fait de créer et recycler à l’infini). »

Tout un écosystème

Plus qu’une simple réhabilitation, ce projet Tellus va mélanger réarchitecture et renaturation pour intervenir sur les 18 000 m2 de surface de l’immeuble existant autant que sur les 3 hectares de terrain clos qui l’entourent. Dans le premier prendront place des bureaux sur les quatre niveaux supérieurs, mais aussi un espace de coworking, une pépinière d’entreprises, un data center, un auditorium, un restaurant avec terrasse, une structure d’hébergement, une salle de sport… Dans le parc, d’autres bâtiments accueilleront un centre de formation à la sécurité (SIG), une crèche de 60 berceaux, des activités tertiaires, un parking silo bois de plus de 300 places.

Pour mener à bien cet exigeant chantier, LCDP et Aire Nouvelle se sont entourés de partenaires à l’expertise éprouvée. Jean-Philippe Charon, directeur général d’Archigroup, agence lyonnaise spécialiste de la réarchitecture, est entré le premier dans la boucle après avoir travaillé avec Thierry Coursin sur le nouveau siège de la Carsat BFC à Valmy : « Dès 2017, alors que la culture de la réhabilitation prenait de l’ampleur, l’idée de redonner une seconde vie à cet énorme bâtiment s’est imposée. La maturation du projet a été longue, mais on est passé de la simple transformation d’un immeuble de bureaux à un programme mixte bien plus ambitieux, qui prend en compte les nouveaux modes de vie et de travail, avec de nouvelles fonctionnalités et un souci écologique permanent. »  Et de définir cette réarchitecture comme « une symphonie qui se décline en ré majeur : réhabiliter, repenser, restructurer, renaturer… » 

De l’ancien immeuble administratif des années 80 à l’allure raide, « un symbole du pouvoir en pyramide, massif, pas toujours fonctionnel, mais avec une certaine qualité de construction intrinsèque et une bonne orientation », l’agence compte faire un lieu de vie ouvert, durable et axé sur le bien-être des usagers. Avec des terrasses végétalisées accessibles et un patio central organisé comme une place de village, ainsi que de nombreuses mises en relation avec les bâtiments périphériques. Une crèche notamment, construite en bois et paille locale, conçue avec l’expertise du cluster Robin-s (construction bois et biosourcés de BFC).

Complexe bas carbone

Copromoteur du programme, Aire Nouvelle (filiale de promotion immobilière et d’aménagement d’Engie Solutions) a pour mission de faire de Tellus un complexe bas carbone. « L’ensemble vise à la réduction de la consommation d’énergie du site, couplée à une production d’énergie locale », résume Rémi Lesage, responsable de programme chez Aire Nouvelle. Dans cette optique, des panneaux photovoltaïques seront installés sur la toiture de la centrale de mobilité (parking silo bois favorisant la mobilité douce, le covoiturage et la sobriété énergétique via des bornes de recharge électrique ultra-rapides). Mais c’est la récupération de la « chaleur fatale » dégagée par les machines du data center, qui devrait fournir l’essentiel de l’énergie du site.

Cerise sur le gâteau et première en France : est à l’étude un groupe électrogène de secours du data center fonctionnant, non pas au fuel, mais à l’hydrogène made in Dijon. « Un système de géothermie sur nappe ou sonde est également prévu, mais les investissements de départ sont tels qu’il faudrait que d’autres entreprises de la ZAE Cap Nord y participent pour assurer la viabilité économique du projet », complète l’expert. Quant aux performances énergétiques de l’immeuble lui-même, il s’agira d’optimiser l’existant pour le rendre plus vertueux : « Contrairement à un programme neuf, il faut faire avec les contraintes de l’ancien bâtiment. On ne peut pas tout changer, la structure porteuse restera en place. Dans ce domaine, l’expérience des 80 ingénieurs énergéticiens de notre bureau d’études interne nous permet de trouver à chaque fois les meilleures solutions possibles. »

L’agence Archigroup, spécialiste de la réarchitecture, a conçu Tellus comme un lieu de vie ouvert, durable et axé sur le bien-être des usagers. Avec des terrasses végétalisées accessible et un patio central organisé comme une place de village. © Archigroup

Forêt urbaine

Dans un projet qui entend « remettre la nature au cœur de cet espace urbain », l’intervention du paysagiste est essentielle. Ainsi, la restructuration des espaces verts, des cheminements, des terrasses et des patios a été confiée à Land’Act (Paris), agence de paysage et d’urbanisme. « L’idée est de recréer un parc à la façon d’un campus paysager dédié aux différentes activités du site, explique le paysagiste Eric Manfrino, président de Land’Act. Cela consiste notamment à désimperméabiliser le site avec des espaces abondamment plantés en remplacement des 14000 m² des places de stationnement existantes, permis par la construction d’un parking silo. Le site bénéficie d’une renaturation complète, en prenant le parti de compenser l’aspect très rectiligne du bâtiment principal par des compositions organiques tout en courbes et en rondeurs. » 

Au centre du parc Tellus, on trouvera une « forêt urbaine » avec une clairière aménagée, et un « jardin de pluie », zone humide en légère dépression destinée à récupérer les eaux de pluie et favorisant la biodiversité. Sans oublier quelques agrès de fitness extérieurs, ainsi qu’un terrain multisports, le tout à deux pas des bureaux. Tout un travail basé sur le concept de la biophilie (inventé en 1984 par l’Américain Edward O. Wilson) selon lequel les humains ont une tendance innée à se chercher des liens avec la nature : « Cette dimension, au cœur de la pratique du paysagiste-concepteur, est désormais reconnue pour avoir un impact majeur sur la qualité de vie dans l’immobilier et l’aménagement urbain, agissant aussi bien sur notre santé physique et mentale, que sur notre façon de travailler. »

Ne reste plus qu’à concrétiser toutes ces bonnes intentions. Le dépôt du permis de construire est effectif depuis avril. Début des travaux en 2022 et livraison prévue un an plus tard. La déesse de la Terre doit être impatiente de découvrir à quoi elle prête son nom.