Acheter des pièces du domaine des Hospices de Beaune sous la halle, le troisième dimanche de novembre, est un art subtil de professionnel du vin. C’est aussi un élan du cœur, au nom de six siècles d’histoire et d’une suprême cause hospitalière. Certains acteurs en ont fait un sacerdoce. Avant la 165e édition ce dimanche 16 novembre, DBM en a sélectionné une dizaine, soit autant d’histoires à saisir au fil cette intime « descente aux enchères ». Francine Picard s’est illustrée en 2024 par un don aux deux associations récipiendaires de la pièce de charité.

En douceur et avec la sincérité qui la caractérise, elle tranche avec la mélodie habituelle : ses trois enfants ont beau être nés ici, en temps normal, cette libre penseuse suit d’assez loin les bonnes œuvres beaunoises. Tout juste a-t-elle une tata infirmière ayant appris le métier à l’Hôtel-Dieu dans les années 70.
Revenue au bercail en 1999 après une carrière commerciale chez un équipementier sportif, Francine Picard conduit avec son frère Gabriel une exploitation familiale de 140 ha de vignes entre Côte chalonnaise et Côte de Beaune, qu’elle a largement orienté vers une entreprise écoresponsable (elle préside l’éco-organisme national Adelphe) et innovante. Un domaine « parti de rien » depuis Chagny, avec comme piliers le grand-père bouilleur de cru Louis-Félix et un père visionnaire, Michel.
C’est avec ce dernier qu’elle forgera ses premiers souvenirs d’enfance de la Vente des Vins, dans les années 80, avant son propre baptême du feu sous la halle, en 2007. « La pièce de Pouilly-Fuissé était encore à 4 800 euros (ndlr, plutôt autour de 16 000 aujourd’hui), je m’en souviens d’autant plus que j’avais pu en acquérir huit pièces », sourit celle qui enchérit régulièrement depuis sur quelques cuvées rouges fétiches (Beaune 1er cru, Pommard 1er cru Epenots, Corton)… et qui a surpris tout son monde lors de la précédente édition.
À la pièce des Présidents, obtenue par le Brésilien Alaor Pereira Lino pour 360 000 euros, elle a ajouté 100 000 euros de dons purement personnels, au profit de Médecins Sans Frontières et de la Global Gift Foundation. « Nous ne participons pas à la pièce de charité habituellement et je n’ai pas toujours eu d’informations sur les associations et leurs projets. Je suis donc venue, pour la première fois en 25 ans, à la conférence de presse du dimanche matin. Maria Bravo, de la Global Gift Foundation, m’a émue », raconte sobrement l’intéressée, touchée par le projet de centre d’accueil de jour à Marbella (Espagne), censé améliorer la qualité de vie des enfants.
Une cause qu’elle défend à Madagascar, en aidant depuis plusieurs années l’association Mada Tany. Dans la magnifique mais reculée région montagneuse de l’Isalo, un dispensaire, que les bénévoles locaux ont choisi de baptiser la « Maison de Francine » permet de soigner entre 5 000 et 10 000 personnes chaque année. « Ce qui me fait dire que j’ai la chance d’être née ici, en Bourgogne. Notre société est très clivante, je voulais rendre un peu. » C’est fait.

