Acheter des pièces du domaine des Hospices de Beaune sous la halle, le troisième dimanche de novembre, est un art subtil de professionnel du vin. C’est aussi un élan du cœur, au nom de six siècles d’histoire et d’une suprême cause hospitalière. Certains acteurs en ont fait un sacerdoce. Dans le cadre de la 165e édition ce dimanche 16 novembre, DBM en a sélectionné une dizaine, soit autant d’histoires à saisir au fil cette intime « descente aux enchères ». Serge de Bucy, l’œnologue de la maison François Martenot, a son petit truc en plus pour se faire remarquer le jour J…

« Oui, là-bas, le monsieur à l’écharpe orange ? Combien en voulez-vous ? » Serge de Bucy a un goût modéré pour cette étoffe proéminente, dont il ne se sépare pourtant jamais sous la halle le dimanche. « C’est un bon moyen de se faire remarquer par le commissaire-priseur », note l’œnologue et responsable des achats de la maison François Martenot.
Arrivé en 2017 pour le compte des Grands Chais de France, ce diplômé du DNO de Dijon a connu plusieurs vignobles (Bordelais, Alsace, Loire) et œuvre désormais dans une grande famille bourguignonne recomposée, avec 13 propriétés (Moillard, Chartron et Trébuchet en tête) pour 250 salariés, 8 sites de vinification, totalisant 270 hectares de vignes, du Chablisien au Mâconnais, et jusqu’au Beaujolais, où François Martenot est le distributeur exclusif des vins des Hospices de Beaujeu. Ce rapprochement a d’ailleurs permis aux Hôpitaux de Beaujeu de relancer leur vente aux enchères – antérieure à celle de Beaune faut-il le rappeler – en 2023. Une 213e édition se tiendra en décembre. Un hôpital vigneron peut donc en cacher un autre.
Beaune, cela dit, n’a pas son pareil quand il s’agit de (faire) rayonner à l’international. La « marque Hospices » est une valeur ajoutée qui justifie des prix très au-dessus du marché. Elle permet aux professionnels aguerris et introduits de faire monter la sauce sans prendre trop de risque pour leur propre affaire. Ces percées médiatiques rituelles du troisième week-end de novembre invitent les professionnels à tenir leur rang dans la place bourguignonne.
Profitant de sa puissance à l’export, François Martenot fait le job on ne peut plus sérieusement, maintenant qu’il a pris pied dans l’événement de l’année. Il s’est attaché les services du Meilleur sommelier du monde 2000 Olivier Poussier afin de guider les dégustateurs. Tel est aussi le rôle de Zengxian Dussautoir, connue ici sous le prénom de Julie, précieuse export manager spécialement dédiée à la Chine. « Nous avons acquis 33 pièces l’an dernier, pour le compte de douze clients particuliers et la Chine représente une part importante », explique l’intéressée.
Le dimanche matin, François Martenot invite donc quelques amis asiatiques au sein de son poste avancé de l’ancienne CCI de Beaune, puis les fait défiler à tour de rôle, pour vivre l’ambiance sous la halle. Un pèlerinage qui a lui aussi ses petits codes. Serge sourit à l’évocation du moment où il passe à l’action : « Quand je mets l’écharpe orange, c’est le signal ! »



