50 ans du circuit Dijon-Prenois : un demi-siècle dans le rétro

À l’image de son tracé, l’histoire du circuit n’est pas un long fleuve tranquille. Des premiers coups de pelleteuse dans la forêt de Prenois à la grande foule des amoureux d’anciennes en passant par le mythe Formule 1, le stade automobile créé par François Chambelland a connu de nombreuses adaptations. Il est né pour durer.

La légende raconte que c’est au cours d’une partie de chasse que le visionnaire François Chambelland (lire encadré) imagine un circuit permanent en plein cœur de la forêt de Prenois. L’histoire est fausse, mais une chose est sûre, il veut doter Dijon d’un stade automobile digne de ce nom. À l’automne 1967, son projet reçoit le soutien de Claude Bourillot, président de la Fédération française de sport automobile (FFSA). 14 communes autour de Dijon sont sollicitées, dont celle de Prenois à une dizaine de kilomètres au nord-ouest. « On s’est dit pourquoi pas, se souvient Jean Gadeski, maire de Prenois de 1971 à 1995. On a donc répondu qu’on avait du terrain, mais qu’il y avait du bois dessus, 200 hectares en tout. François Chambelland a finalement pris ce qu’il voulait, dans les 165 hectares, avec un bail emphytéotique de 99 ans à la clé. Si ça ne marchait pas, le terrain revenait à la commune. Et puis ça a marché ! »

Une piste dans la forêt

Il faut dire que le projet représente une belle opportunité, mais aussi un sacré défi, pour cette commune rurale en difficulté financière qui ne possède ni entrée de village, ni rues goudronnées, ni système d’assainissement. Prenois accueille donc le circuit à bras ouverts, mais il faut encore donner une légitimité sportive au projet. François Chambelland sollicite donc Jean-Pierre Beltoise, alors conseiller technique pour la FFSA, qui va l’aider à concevoir le tracé. C’est ensuite Gaston Esmiol, directeur départemental de l’Équipement, qui apportera son concours pour la partie ouvrage d’art. 

En 1969, les premiers engins de déboisement investissent le site avant la présentation du chantier aux officiels, qui font un premier tour des lieux à pied à travers la forêt. Petit à petit, les contours de la piste sortent de terre, portant les noms des lieudits où ils sont construits : la double droite de Villeroy, le S des Sablières, la courbe de Pouas, redoutable ascension vers la longue ligne droite de la Fouine… 

En janvier 1972, alors que les travaux s’achèvent, le pilote français François Cevert visite le site avec enthousiasme : « Ce sera un circuit très rapide qu’on pourra boucler en une minute. Le terrain très varié a été utilisé au mieux, et le tracé remplit les trois qualités indispensables à un bon circuit : la sélectivité, la sécurité et la visibilité pour le public. » 45 000 tonnes de bitume sont finalement coulées en avril 1972 pour donner naissance à un tracé homologué dans la foulée : une piste valonnée de 3,289 km, avec des rampes et des pentes allant de 1 à 11 %, une largeur de 9 à 10 m et une ligne droite de 1 100 m, le tout agrémenté de doubles glissières, de grillages amortisseurs et de vastes zones de dégagement. François Chambelland tient enfin le « stade automobile moderne » dont il avait tant rêvé.

L’âge d’or de la F1

Dès les premières années, les compétitions auto et moto s’enchainent. Mais la venue de la Formule 1 lors du Grand Prix de France 1974 révèle les limites de ce circuit finalement trop court (les F1 le bouclent en moins d’une minute). On consulte à nouveau Beltoise pour l’allongement de la piste, devenu vital. Le nouveau tracé de 3,8 km est inauguré le 15 avril 1977 pour les 500 km de Dijon, donnant au circuit le supplément de sinuosité qui lui manquait : « La Parabolique (ndlr, le virage ajouté) avait l’avantage de faire un point où l’on peut doubler, disons un peu plus facilement. Auparavant on ne pouvait quasiment le faire qu’au freinage au bout de la ligne droite », se souvient l’ex-pilote dijonnais Nello Cheli, qui fut le premier à rouler sur la piste initiale en avant-première, avant son inauguration officielle. 

À l’été 1977, après un détour par le circuit Paul Ricard au Castellet, le Grand Prix de France revient à Prenois. Avec 100 000 personnes en deux jours, le public est à nouveau au rendez-vous et le circuit au centre de l’attention médiatique. Trois semaines plus tard, c’est le grand cirque du Tour de France vélo qui débarque, confirmant les ambitions de François Chambelland pour les grands rassemblements populaires. Vainqueur du contre-la-montre entre Plombières-lès-Dijon et Prenois, Bernard Thévenet garde le souvenir du tour de circuit qui bouclait le parcours : « C’était agréable car le revêtement était vraiment très bon. Par contre, le tracé est loin d’être plat ! À l’arrivée, j’ai été pris d’assaut par la presse. Je suis tombé assis par terre, et quand je me suis relevé, j’ai eu une ovation du public, porté en triomphe par mon mécano. En tant que Bourguignon, ça faisait quelque chose. »

Prototypes, motos, puis camions à la fin des années 80, championnat du monde GT dans les années 90… Après le dernier Grand Prix de F1, conquis par Niki Lauda en 1984, tous ces événements vont continuer à brasser beaucoup de monde à Prenois jusqu’aux portes des années 2000. En 20 ans, le « petit circuit » devenu grand a pris place dans le cœur des pilotes et sur l’échiquier international.

Voie de relance

En 1995, quand la famille Chambelland passe la main, le circuit est racheté par un groupe d’actionnaires bourguignons, dont Yannick Morizot, le créateur de l’enseigne Point chaud, qui prendra le volant de la société d’exploitation quelques années plus tard. Président du circuit avant lui, l’ex-pilote Dany Snobeck acte en 2001 la fin d’une époque, alors que le circuit perd de son attractivité : « La F1 ne reviendra plus. Cela est définitif, surtout depuis l’avènement de Magny-Cours, dans le département voisin de la Nièvre. » 

Un plan de relance à long terme suivra, initié par le nouveau président Yannick Morizot : réfection entière de la piste entre 2006 et 20016 pour la remettre au niveau du grade 2, puis intervention sur les bâtiments de 2016 à 2021. C’est le début d’une nouvelle ère de travaux, qui vera chaque année un quart du budget réinvesti dans l’amélioration du circuit : « Nous devons maintenir la qualité et le niveau de sécurité, de sorte que le circuit conserve son agrément de niveau 2, qui lui permet d’accueillir toutes les compétitions automobiles et motocyclistes à l’exception de la F1, annonçait le président Morizot en 2016. En quelques années, nous avons injecté plusieurs millions d’euros dans l’infrastructure – ce qui représente, là encore, de l’activité économique pour le territoire, car nous ne faisons appel qu’à des entreprises locales. Nous avons privilégié lors de ces six dernières années la réfection de la piste. Pour recevoir le plus grand nombre de compétitions, il nous a fallu améliorer la sécurité des pilotes en agrandissant les bacs des zones de freinages, l’élargissement de la ligne droite, sans oublier l’aspect environnemental, l’accueil du public toujours plus nombreux, et tout cela sans changer notre parcours mythique apprécié de tous. »

Après la remise à niveau complète de la piste, la direction du circuit s’attaque aux bâtiments. Symbole fort de cette reconstruction, une nouvelle tour de contrôle ultra moderne de 1 250 m2 se dresse depuis 2016 en bord de ligne droite. La dernière tranche de travaux vient de s’achever sur une toute nouvelle partie restauration. « Il nous faut fidéliser nos clients et attirer de nouveaux habitués vers des prestations haut de gamme, explique le président. Le temps était venu de remettre à jour nos structures d’accueil, de renforcer l’efficience de l’organisation. Confort, connexion, praticité, agrément, climatisation, structure médicales, PC de chronométrage : rien n’a été oublié afin d’être en condition de recevoir les plus gros championnats internationaux. » Fermez le ban.

La grande fête d’octobre

Aujourd’hui, requinquée par la réception récurrente de manifestations pouvant rassembler jusqu’à 30 000 amateurs de véhicules anciens en un week-end (Historic Tour, Coupes Moto Légende, Grand Prix de l’Âge d’or), Dijon-Prenois capitalise sur la qualité des installations pour développer la privatisation du site en dehors des rendez-vous publics, entre essais privés, école de pilotage, clubs automobiles et motocyclistes, regroupement de gentlemen drivers, séminaires, réunions de chefs d’entreprise ou encore associations de sécurité routière. 

50 ans après, le circuit n’a jamais été aussi ouvert à son environnement socio-économique. Tour après tour, il continue à drainer des écuries, des pilotes et des spectateurs du monde entier vers le petit village de Prenois, ainsi que des retombées économiques pour tout le territoire. Entre souvenirs glorieux et nouvelles perspectives, cela valait bien une grande fête d’anniversaire en octobre prochain, avec tous ceux qui ont forgé la légende de Dijon-Prenois.