Beaune : l’hôtel Le Cep, carrefour du monde pendant la Vente des vins

Fin novembre, Le Cep devient un hôtel très particulier où se côtoie le monde entier. Son propriétaire Jean-Claude Bernard, lui-même « aligoté » à la vente pour en avoir acheté la pièce de charité en 2016, revient sur cette histoire d’amour et d’amitiés sans frontières.

Jean-Claude Bernard, propriétaire de l’hôtel Le Cep à Beaune.
© Jean-Luc Petit / DBM

L’histoire commence par un tour de manège à la fête foraine. Place Madeleine, comme à chaque fin novembre, le petit Jean-Claude a des étoiles dans les yeux. Il est loin d’imaginer qu’on le retrouera un jour sous la halle, tout encostumé et un paddle numéroté à la main, pour faire monter les enchères de la Vente des vins. Ce fut pourtant le cas lors de la 156e édition, dimanche 20 novembre 2016, au moment d’adjuger la fameuse pièce de charité profitant aux associations. « Je ne m’étais pas levé en pensant à elle, mais les enchères étaient molles et la cause noble (ndlr, la recherche contre le cancer). Ayant perdu mon père d’une maladie quelques années avant, j’ai levé la main une fois, deux fois… On se prend alors au jeu, le commissaire-priseur nous repère. Cette vente nous entraine parfois dans des situations imprévues, telle est sa magie », commente l’heureux propriétaire de 228 litres de Corton Bressandes, contre 200 000 euros partagés équitablement avec une amie chinoise du Cep, Yan Hong Cao. Cette discrète femme d’affaires passionnée par la Bourgogne avait déjà fait le coup trois ans auparavant. Beaune est un aimant.

Les Brunet et le Roi Soleil

Chez les Bernard, les Hospices sont une affaire de cœur. Le papa, Nerino, était déjà dans la salle au tout début des années 1980. Le Cep est devenu un fidèle contributeur de cette vente de charité, avec plus de 60 cuvées acquises. Aujourd’hui, la flambée des prix sous le marteau et la demande exponentielle compliquent la manœuvre. Pour élargir la gamme sans se ruiner, l’hôtelier beaunois préfère acheter plusieurs pièces, mais qu’il va partager. « Des amis se joignent à la fête ; cela contribue à positionner Beaune comme une vente à part, qui est finalement moins une affaire de business que de copains achetant 300 bouteilles (ndlr, le produit d’une pièce) qu’ils seront bien contents de boire ensemble. »

Positionné le jour J à proximité d’Albéric Bichot, Jean-Claude Bernard lorgne généralement sur quelques cuvées stars qu’il fera élever, si jamais il remporte l’enchère, par l’acteur n°1 de la vente. Le Beaune 1er cru « Brunet » porte ainsi le nom de l’extraordinaire famille beaunoise Brunet de Monthelie, dont les descendants furent administrateurs des Hospices, maires de la ville et… propriétaires de l’hôtel particulier de la rue Maufoux durant plus de 250 ans. Le Corton-Charlemagne « Roi Soleil » fait quant à lui référence à Louis XIV qui, de passage à Beaune en novembre 1658, aurait séjourné au Cep. Les clients prennent leur petit-déjeuner devant le buste du roi.

Roméo and Juliette

L’hôtel 5 étoiles abrite depuis des décennies les peoples venant présider la vente, de Teddy Riner à Adriana Karembeu, chouchoutés ensuite par le maire Alain Suguenot. On ne compte plus les photos qui remplissent le grand album souvenir de l’établissement. Les acteurs principaux sont aussi de la partie : après sa marche matinale, Albéric Bichot vient y régler les derniers détails avec sa garde rapprochée, « toujours assis à la même place », avant de déjeuner chez Loiseau des Vignes.

La clientèle plus anonyme offre également des moments extraordinaires. Fin novembre, les 61 chambres (dont 36 suites) sont prises d’assaut. Complet deux ans à l’avance. « C’est parfois un crève-cœur de gérer les réservations, je devrais songer à mettre les chambres aux enchères », plaisante le papa du Cep, qui accueille peu ou prou 130 résidents, où se croisent parfois jusqu’à 70 nationalités. Ce joyeux brassage a constitué un véritable fan club. Dans les différents espaces du Cep, le Texas rencontre le Japon, le Brésil tutoie la Grèce et les Pays-Bas se marrent avec la Belgique. « De belles histoires sont nées ici », confirme l’hôtelier-diplomate, prenant à témoin le destin « d’un client canadien fou de vieux millésimes » et d’une habituée rencontrée à la Paulée de Meursault. « À la Vente des vins de l’année suivante, nous fêtions leur mariage au Cep à Beaune. Deux personnes extraordinaires, très généreuses avec la Bourgogne, qui sont un peu devenues nos Guigone et Nicolas Rolin », ose avec toute l’affection du monde Jean-Claude Bernard.

Amis du monde

Il faut dire aussi que les équipes du Cep se plient en quatre pour l’occasion. Vêtu comme à l’époque ducale grâce au talent de la costumière Colette Guibert, le personnel reçoit les premiers clients « VIP VDV » le mardi, autour d’un rituel immuable, « avec un gâteau de bienvenue personnalisé qui célèbre le nombre de ventes de chacun ». Les espaces de l’hôtel sont conçus pour favoriser les échanges : « Aucun cloisonnement entre les groupes, le bar est ouvert en permanence et le petit-déjeuner se termine une fois le dernier client servi. »

Les soirées sont aussi animées. Nous sommes en plein dans les Trois Glorieuses, ces trois journées qui font la grandeur de la Bourgogne du vin : le samedi soir, un chapitre au château du Clos de Vougeot réunit des chevaliers du Tastevin du monde entier. Jean-Claude ne manquerait ce moment pour rien au monde. « Malgré l’heure tardive, nous organisons un after dans le salon Louisiane autour d’un piano. » 

La scène est digne d’un film : « Un jour, alors que mon épouse Zhanna, d’origine ukrainienne, reprenait une chanson de son pays, une compatriote l’a entendue depuis la rue, a passé une tête, et s’est retrouvée invitée à chanter avec elle. » Rebelotte le lundi, avec l’extraordinaire Paulée de Meursault, qui marque la troisième Glorieuse (la deuxième étant la vente elle-même). Une fois encore, les clients du Cep sont de la partie. Une cinquantaine de Hollandais passent même prendre l’apéritif, tout sourire.

« Nous partageons la Bourgogne que j’aime », résume le maître des lieux. Les amis de l’hôtel beaunois cultivent en effet le goût des expériences exclusives et un rapport sincère à la culture de l’autre. Aux premières loges de ces instants précieux, Jean-Claude Bernard savoure. Il n’a plus tout à fait l’âge de monter sur le manège de la place Madeleine. Mais Le Cep est devenu son attraction à lui. Fin novembre, quand le monde s’invite rue Maufoux, c’est carrément le grand huit !

👉 Hôtel Le Cep***** – 27 Rue Maufoux, 21200 Beaunehotel-cep-beaune.com