Brasserie de France veut faire mousser Beaune

Une brasserie artisanale qui trinque à ses premières bouteilles, bientôt un campus brassicole et une pépinière d’entrepreneurs en puissance : Jean-Claude Balès, Anthony Verdureau et Paul Venot veulent faire mousser Beaune à la vitesse grand B.

Jean-Claude Balès et Anthony Verdureau, autour de leur responsable de production et associé Paul Venot, dans leur bâtiment de production à Beaune. © Brasserie de France

Par Laurent Gotti

Vue de loin, l’idée peut paraitre saugrenue : créer, à Beaune, un lieu entièrement dédié à la bière. À un jet de bouteille de la future Cité des Climats et vins de Bourgogne, cela peut même froisser quelques sensibilités locales. Mais si Jean-Claude Balès et Anthony Verdureau se sont lancés dans cette aventure, ce n’est pas par goût de la provocation. Entrepreneurs dans l’âme, ils ont construit en quelques mois une brasserie artisanale particulièrement ambitieuse, au sud de la capitale des vins de Bourgogne, dans la zone d’activités des Cerisières. « Nous sommes tous les deux passionnés par la main de l’homme à l’œuvre pour transformer quelque chose. C’est ce qui nous amène, pas tout à fait hasardeusement, à Beaune », précise Jean-Claude Balès.

Originaire de la région toulousaine, ce soixantenaire affable a passé ces vingt dernières années à créer des entreprises dans le monde du numérique. Anthony Verdureau, 50 ans, est quant à lui ingénieur en système industriel et a créé une entreprise leader dans la communication digitale sur les lieux d’accueil. Ses clients étaient pour l’essentiel des marques de luxe et de cosmétiques.

Premières bières en juillet

Leurs activités respectives les ont amenés à travailler en commun et à nouer une amitié. Puis à tenter l’aventure entrepreneuriale en tant qu’associés. « Nous avons cédé nos activités à quelques mois d’intervalle. On avait envie de sortir l’écosystème parisien. C’est un univers un peu hors-sol. Nous avons fait un stage de brassage ensemble, un week-end pour le loisir, et cela nous a bien plu. C’est une activité qui laisse beaucoup de place à la créativité », précise Anthony Verdureau.    

Avec Brasserie de France, les deux hommes partagent l’idée de retrouver des choses élémentaires. « Revenir au travail avec des personnes qui transforment un produit. Où, à la fin de la journée, il est possible de se dire qu’on a réalisé quelque chose d’utile. J’ai 60 ans, c’est peut-être mon dernier projet. Avec Brasserie de France, on veut se donner le temps de construire un futur responsable et généreux », souligne Jean-Claude Balès. Bulle après bulle, la mousse est en train de prendre. Sous l’expertise du jeune responsable de production Paul Venot, les premières bières estampillées Brasserie de France ont été mises en bouteille ce mois de juillet.

Une identité graphique bleu-blanc-rouge capitalise sur Beaune et son art de vivre. © Brasserie de France

Un campus brassicole engagé

Brasserie de France voit plus loin que le bout de son faux-col. Il ne sera pas seulement un lieu de production (35 000 hectolitres/an) où évolueront 25 personnes dans les prochaines années. À l’étage du bâtiment de 2000 m2, les deux créateurs y ont greffé ce qu’ils définissent comme un « campus brassicole engagé ». Beaune accueillerait alors un CAP de brasseur-malteur, disparu des radars pédagogiques en 2005. Une quinzaine d’élèves seraient ainsi formés chaque année. Le site pourrait les accueillir à partir de 2023. « Notre ambition est aussi d’attirer des décrocheurs scolaires, pour leur donner la joie de réaliser quelque chose de leurs mains. » Sur place, le grand public pourra en faire de même : des ateliers de brassage et de dégustation (certains mêlant vin et bière) sont en cours de finalisation et seront proposés à la rentrée.

Le site de Beaune serait in fine un prototype : le concept doit pouvoir se décliner dans d’autres régions viticoles (Bordeaux, le sud de la Vallée du Rhône). Des territoires irrigués par le culte de la gastronomie et où le bassin d’emploi est susceptible de proposer des compétences nécessaires à l’activité brassicole.

Une fondation visant à aider les élèves à entreprendre et à créer des micro-brasseries doit également compléter cet écosystème. La démarche accompagnera ainsi la montée en puissance des bières artisanales, qui gagnent chaque année du terrain sur les grandes marques et profitent d’un marketing ouvert à toutes les possibilités. Sur le plan du business, bière et vin peuvent aussi faire l’objet d’un assemblage judicieux, comme en témoigne le récent rachat de la brasserie locale Belenium par la famille Piffaut, propriétaire notamment de la maison Veuve Ambal. De la bière à Beaune ? Pas si saugrenu, en réalité.