Face à une filière automobile fragilisée, la Région Bourgogne-Franche-Comté comme moteur de la relance

La filière automobile et ses 70 000 emplois font l’objet d’importantes mesures d’accompagnement en Bourgogne-Franche-Comté. Nicolas Soret, 3e vice-président de la Région en charge de l’économie, profite de cette période charnière pour dévoiler, au-delà du facteur d’urgence, les enjeux d’un plan de relance et d’un schéma régional de développement pour faire tourner le moteur.

Nicolas Soret est le vice-président de la Région BFC en charge des finances, du développement économique, de l’économie sociale et solidaire et de l’emploi. © Michel Joly

Toute bonne stratégie a un cadre qui la définit dans le temps et un espace immédiat de souplesse, pour répondre aux attentes les plus urgentes. En région, le cadre se définit dans cet acronyme quelque peu ardu : SRDEII. En Bourgogne-Franche-Comté, ce Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation a débuté officiellement le 3 décembre 2021. Il couvre la période 2022-2028. Et l’assemblée régionale a jusqu’au 3 juillet de cette année pour en valider les détails.

Mais notre époque est en proie à de terribles turbulences. Elle ne permet pas d’attendre une échéance aussi lointaine pour répondre aux dégâts économiques collatéraux de la crise sanitaire. Nicolas Soret, 3e vice-président en charge des finances, du développement économique, de l’économie sociale et solidaire et de l’emploi, pilote ce paquebot qu’est le SRDEII. Face au déchainement viral, l’action publique se devait notamment de soutenir le secteur automobile.

102 mesures, 435 millions

La filière est menacée par la conjoncture. Elle doit anticiper les mutations spectaculaires dont elle est l’objet, des points de vue environnemental et social, tout en composant avec un contexte fragile. L’enjeu ? 350 entreprises, 50 000 à 70 000 emplois directs et indirects, un tiers de l’emploi industriel. La méthode ? « Permettre d’investir dans l’outil de production comme dans les compétences, pour accompagner cette rupture historique de l’industrie automobile », souligne l’élu régional.

Un plan d’accélération régional baptisé PAIR mobilise une enveloppe globale de 435 millions d’euros (dont 36 millions pour la filière auto), répartie via 102 mesures identifiées. Un plan imaginé en complémentarité du plan national France Relance. De solides pare-feux ont ainsi déjà freiné l’agressivité ambiante. Reports des échéances remboursables, prêts Rebond Feder Bourgogne-Franche-Comté et outils de garantie de prêts ont remis du carburant dans les entreprises. Joignant sa maîtrise de la proximité à la puissance de tir nationale, la Région s’attelle ainsi à optimiser le plan de guerre général déployé face à la crise sanitaire.

Maintenant, il faut bâtir une stratégie pérenne. Dans la filière automobile, toujours, cela passe désormais par la FIMA, Force d’intervention mutations automobiles, qui met en relation l’ensemble des acteurs concernés et déploie des moyens considérables pour accompagner techniquement et financièrement les sous-traitants. Le tout en totale concertation avec les intercommunalités impliquées, pour des solutions adaptées, au cas par cas.

L’automobile est une industrie intimement liée au patrimoine de Bourgogne-Franche-Comté. Elle porte, avec d’autres secteurs (agroalimentaire, ferroviaire, santé…), au plus haut niveau les couleurs régionales. © AER BFC

Nouveaux écosystèmes

L’ingénierie et l’information en général sont au cœur du dispositif. La Région s’inscrit dans une démarche collective avec l’ensemble des acteurs publics, pour apporter une vision transversale et stratégique. Mais elle agit en même temps au plus près du bonnet, d’un territoire à l’autre, en phase avec les réalités locales. 

Nicolas Soret appréhende avec passion un univers complexe et vital. Les moyens d’action sont en effet très diversifiés lorsqu’il s’agit, par exemple, de consolider les entreprises : conseil, renforcement des fonds propres, aides à la compétitivité, soutien des actions collectives… Ils le sont encore plus lorsqu’il faut aider les mêmes entreprises à se positionner sur les marchés d’avenir. Quitte à concevoir de nouveaux écosystèmes, intimement liés en ce qui concerne l’automobile, à la transition énergétique.

Le vice-président sait que le défi est rude et que la tâche est complexe. Il assume ce rôle avec une certaine appétence. Cet ancien de l’EDHEC Lille et de Sciences Po Paris a, il est vrai, un profil assez atypique. Plutôt que d’évoluer dans les circuits de la finance auxquels le désignait naturellement son parcours, ce musicien émérite (trompettiste confirmé) et amateur de théâtre, démarre sa carrière par un poste de directeur de développement de Vitamine T, le premier groupe français d’insertion. En 2007, contre toute attente et au bénéfice d’une rocambolesque triangulaire à droite, il se retrouve sans trop y croire, pour deux petites voix seulement, l’adjoint de confiance de Bernard Moraine à Joigny (Yonne), puis le président de la communauté de communes du Jovinien l’année suivante. En 2020, comme promis par son ami maire, c’est lui qui prend la tête de la ville. Marie-Guite Dufay le persuade ensuite de devenir son directeur de campagne pour les régionales, missionné, une fois le verdict tombé, au pilotage de l’économie de la Bourgogne-Franche-Comté.

Fonds régional souverain ?

« Le vice-président de l’économie et des finances est un chef d’orchestre invisible qui délègue, car la Région est présente partout », décrit Nicolas Soret, séduit par la richesse de sa fonction. Les grands secteurs de l’économie de la Bourgogne-Franche-Comté ne se limitent pas, et c’est tant mieux, au seul monde de l’automobile. L’hydrogène, par exemple, est en plein boum. Le luxe se porte à merveille. L’agroalimentaire et la maintenance ferroviaire (en tête des investissements régionaux) sont, avec le nucléaire et la santé, des filières qui portent au plus haut niveau les couleurs de la grande région.

Face à cette diversité, 435 millions d’euros pour agir, cela pourrait paraître beaucoup. Mais l’usage qui est fait de cette manne doit répondre à au moins deux objectifs : cibler les interventions pour éviter le saupoudrage stérile, activer au maximum les effets de levier qui peuvent être joués avec l’État et l’Europe si l’on regarde vers le haut, les collectivités et les forces vives locales si l’on regarde autour de soi.

Nicolas Soret sait que la réussite dépendra en partie des dispositifs qu’on appelle les « accélérés ». Ces groupes de chefs d’entreprise appartenant au même environnement, unissent leurs forces afin de favoriser l’émergence de ces fameuses ETI, entreprises à taille intermédiaire, qui font rêver les économistes. À travers elles, la Bourgogne-Franche-Comté dialogue avec la planète. Plus que jamais, la Région est alors dans son rôle essentiel de VRP des territoires. Pourtant, au quotidien, on ne gâche rien. La gestion des deniers publics demeure un exercice sacré. « La subvention est l’exception, et nous faisons en sorte qu’une partie de ces fonds se reconstitue à terme », explique le vice-président. 

Une ambition qui va de pair avec celle que porte au plus profond d’elle-même Marie-Guite Dufay : « Créer un fonds d’investissement souverain qui permettra notamment de verrouiller les centres de décision. » Le vieil adage disant qu’un grand chez soi vaut mieux qu’un petit chez les autres n’a donc rien perdu de sa valeur.