La prestigieuse collection De Vito exposée au musée Magnin de Dijon

Le Musée Magnin de Dijon invite à un fabuleux voyage au cœur pictural du Naples du XVIIe siècle, période où elle est l’un des plus importants centres culturels européens. L’exposition intitulée Naples pour passion présente en exclusivité une quarantaine de toiles de la prestigieuse collection De Vito, du 29 mars au 25 juin 2023.

© Arnaud Morel / DijonBeaune.fr

Sous l’impulsion de sa directrice, la conservatrice en chef Sophie Harent, le Musée Magnin de Dijon réalise un grand coup. Il expose, pour la première fois en France, l’essentiel des toiles de la prestigieuse collection De Vito, qui sortent de leur écrin d’Olmo, en Toscane, pour aborder les rivages dijonnais. Tout le rez-de-jardin de l’hôtel Lantin qu’occupe le musée est dévolu à l’exposition Naples pour passion, tandis que le fonds des œuvres napolitaines du musée — une vingtaine de peintures et de dessins — se rassemble dans une nouvelle salle, ouverte et rénovée pour l’occasion.

Napol’in Dijon

La particularité de la collection de Guiseppe De Vito réside dans le fait qu’elle se concentre exclusivement sur la peinture napolitaine du XVIIe siècle, le seicento italien. Naples, à cette époque, demeure sous domination espagnole, et le règne d’un vice-roi aragonais. C’est la seconde ville la plus peuplée d’Europe, derrière Paris, et un lieu en pleine ébullition et émulation artistique, traversé par des courants et des influences multiples.

La première est marquée du sceau du génie qui bouleverse la peinture, Le Caravage. Le maître n’a passé qu’un an à Naples, entre 1606 et 1610, mais son impact se fait sentir durablement dans la cité parthénopéenne (du premier nom de Naples, alors cité grecque, Parthénope). Plusieurs pièces de la collection De Vito témoignent de cette immense influence. Le très émouvant tableau du Maître de l’Annonce aux bergers, Figure juvénile humant la rose, qui illustre l’affiche de l’événement, gomme ainsi tout décor, pour concentrer le regard sur ce personnage énigmatique, asexué, soigneusement mis en valeur par un travail tout en finesse sur la lumière.

Le Saint-Jean-Baptiste dans le désert de Massimo Stanzione, ou le Saint-Jean-Baptiste enfant de Giovanni Battista Caracciolo dit Battistello portent haut également le naturalisme caravagesque : la carnation des personnages palpite de vie, un agneau plus vrai que nature semble inviter à la caresse… « Cette sensibilité à la représentation de l’humain, et une peinture très affirmée, qui recèle encore du radicalisme, va se perdre peu à peu tandis que l’influence du Caravage décroît », note Sophie Hardent.

Seconde moitié du seicento

Naples jouit d’une vie culturelle et intellectuelle d’une rare densité, et attire, par conséquent, nombre d’artistes européens, comme le Lorrain Charles Mellin. Sous leur influence, la peinture va évoluer, vers des tons plus clairs, des compositions plus apaisées et tranquilles. Dans Le Martyre de sainte Ursule, Giovanni Ricca éclaire le visage presque heureux de la sainte, alors même que la scène représente sa torture. Le naturalisme reste présent, avec un arrière-plan végétal délicatement travaillé.

La seconde moitié du seicento voit émerger deux figures extrêmement importantes au sein de la collection De Vito, Mattia Preti et Luca Giordano, qui s’inscrivent à la périphérie du mouvement baroque. L’heure porte à l’exubérance et à la pompe, pour triompher d’un contexte pour le moins morose : Naples est frappée par la grande peste de 1656, qui décime la moitié de sa population, et le Vatican réagit à la réforme protestante en promouvant le grandiose propre à impressionner les foules. La Déposition du Christ de Mattia Preti donne ainsi une vision très spectaculaire, au risque de l’anachronisme, quasi cinématographique, du recueil de la dépouille du Christ descendue de la croix.

Rendez-vous au Musée Magnin de Dijon

Au-delà des mouvements artistiques qui marquent la peinture, Naples creuse, tout au long du XVIIe siècle, son propre sillon artistique, marqué par une appétence pour les scènes de batailles grandioses, et, c’est moins connu, par un vrai art de la nature morte. « C’est le genre qui a le plus de succès à Naples, et qui va voir des dynasties d’artistes, comme les Recco, travailler. Il y avait un marché, et il a été très développé, une vraie petite industrie », commente Sophie Hardent. Une dizaine de natures mortes attendent le visiteur dans la dernière salle de l’exposition du Musée Magnin. Raisins sur le point d’éclater, fruits gorgés de soleil, certaines pièces sont rien de moins que spectaculaires. Une excellente manière de conclure une exposition événementielle à ne surtout pas manquer.

Giuseppe De Vito, un ingénieur collectionneur hors norme
Giuseppe De Vito est né à Portici, tout près de Naples, en 1924. Est-ce ce qui explique que cet ingénieur, spécialiste des télécommunications, oriente sa carrière de collectionneur sur le seicento napolitain ? Celle-ci, en tout cas, est le fruit d’une passion constante, et extrêmement érudite. De Vito ne se contente pas de collectionner, en scientifique, il cherche, écrit, interpelle aussi parfois les historiens de l’art. De fait, sa collection, riche d’une soixantaine de tableaux dont une quarantaine est exposée à Dijon, s’accompagne d’une très scientifique documentation. L’homme fondera d’ailleurs un magazine consacré à l’art. « La peinture napolitaine est très mal connue dans les années 60/70. Il y avait un champ de recherche qui a passionné Giuseppe De Vito. Son épouse Margaret Barry, Irlandaise, qui était cantatrice, l’a encouragé dans cette voie et, ensemble, ils ont constitué cette inestimable collection, désormais gérée par leur fondation, créée en 2011 », détaille Sophie Hardent.