Roadtrip : sur les traces des Valseuses au bord de l’Ouche

Lieu culte des Valseuses, les berges du canal de Bourgogne entre Veuvey-sur-Ouche et Pont d’Ouche sont empruntées chaque jour par les promeneurs, cyclistes, plaisanciers, pêcheurs… L’occasion d’un road movie dans les pas du trio d’enfer Depardieu, Dewaere et Miou-Miou. Au départ, ça ne s’invente pas, de l’écluse numéro 21.

L’écluse 21 de Baugey, à Veuvey-sur-Ouche © Michel Joly

« On n’est pas bien là, hein ? », bêle Jean-Claude (Gérard Depardieu) au volant, Pierrot (Patrick Dewaere) à la place du mort et Marie-Ange (Miou-Miou) sur la banquette. Dans le film de Bertrand Blier sorti en 1974, le trio remonte l’ancienne route de Provence vers le nord. En DS, en vélo, en moto, en Rolls-Royce, en R16 et même en traction avant, toutes « empruntées » à leur propriétaire. La cavale s’arrête à Veuvey-sur-Ouche, à une maison éclusière sur le canal de Bourgogne où la partie bourguignonne a été tournée en août 1973. Précisément à l’écluse 21 de Baugey et sur son chemin de halage.

« Quand on nous fait pas ch…, on se contente de joie simple ! » C’est la petite frappe Jean-Claude qui philosophe, cette fois au volant d’une Simca bleu clair. Ils se sont mis au vert dans la maisonnette aux volets bleus et aux rosiers rouges, vite rejoint par Jacques (Jacques Chailleux), tout juste sorti de prison.

Antheuil, écluse d’artiste

Dix ans après le tournage des Valseuses, l’artiste-peintre Marianne Merz a fait sienne l’écluse d’Antheuil, havre de paix et atelier. Mais sans lien direct avec le film. « Elle en est tombée amoureuse, un jour où elle faisait une excursion en bateau sur le canal, au milieu de cette nature dont elle s’inspire dans ses tableaux », explique son fils Matthias. Partageant sa vie entre les rives du Rhin à Mannheim et les bords du canal, Marianne appose un motif récurent dans ses toiles : la barre de manoeuvre en « col de cygne » de l’écluse. Telle une signature. Et pour le drapeau bleu, blanc, rouge sur les berges ? « Nous l’avons mis pour la finale de la Coupe du monde en 2018 », savoure Matthias, au lendemain du deuxième anniversaire de la victoire des Bleus. Cocorico !

Matthias Merz, responsable commercial en Allemagne, aime couler de belles journées à l'écluse d'Anteuil
Matthias Merz, responsable commercial en Allemagne, aime couler de belles journées à l’écluse d’Anteuil ©Michel Joly

Voyous-pêcheurs

Une des scènes mémorables : celle où le quatuor est attablé devant une belle potée aux choux préparée par Marie-Ange : « Oui, pas de quoi écrire une thèse ! », bougonnent Jean-Claude et Pierrot. Cannes à pêche en main, les deux lascars ont la même dégaine, pattes d’éph, marcel bleu marine, chapeau de paille, clope au bec. Sous les frênes au bord de l’eau, Jean-Claude crachote un de ses petits plaisirs de la vie : « C’est pas pour dire, mais la première cigarette de la journée, c’est vraiment la meilleure ! » Les voyous-pêcheurs ne prennent pas grand-chose, même pas leur pied avec la belle Marie-Ange, bonne à tout faire, shampouineuse de métier mais frigide. La scène culte reste son plongeon dans le canal.

Patrick Dewaere et Gérard Depardieu dans Les valseuses de Bertrand Blier
Patrick Dewaere et Gérard Depardieu dans Les valseuses de Bertrand Blier

Carpes et brochets

Les frênes ombragent le chemin de halage estampillé aujourd’hui « Tour de la Bourgogne en vélo », sentier favori des randonneurs, des cyclistes en famille et des pêcheurs. « J’y prends du brochet et de la carpe », rapporte Matthias, fils de l’artiste-peintre Marianne Merz, installée un peu plus loin à la maison éclusière d’Antheuil (lire par ailleurs). Dans son roman éponyme dont il a tiré le scénario, Bertrand Blier situait la scène des beaux « plouf ! » au bord du canal du Rhin au Rhône. L’infréquentable cinéaste a eu la bonne idée de s’arrêter en Bourgogne. « Ça y est je l’ai pris ! », fait Marie-Ange. « Quoi ? », braille Jean-Claude. « Mon pied ! », reprend-elle. Pour cette brillante réplique, elle est précipitée toute nue à l’eau, pieds et tête en avant. On vous déconseille, cher lecteur, de faire trempette ainsi dévêtu. En revanche, venez-y pour tout le reste : l’endroit est bucolique et reposant à souhait. On est vraiment bien, là. 

Eric Perruchot