À Dijon, la Cuisine expérientielle de la Cité de la Gastronomie est leur terrain de jeu. À Beaune, ils cartonnent avec RÀDE, concept de restaurant itinérant. Le cuisinier Romain Tischenko et la sommelière Ioulia Gourieva ont donc deux bases solides pour faire leur métier avec l’esprit de liberté qui les caractérise. Portrait.
Ioulia Gourieva et Romain Tischenko devant la Cité de la Gastronomie, où le chef officie comme directeur culinaire de la Cuisine expérientielle. « La cantine du village« , comme aime-t-il à l’appeler. © Iannis Giakoumopoulos
Tabliers bleus et Vans impeccablement accordés, service après service, ils se font un nom en Côte-d’Or. Las des confinements parisiens, Romain et Ioulia sont arrivés au début de l’année 2021. « On avait fait les vendanges à Saint-Romain chez Fred Cossard, qui est un copain de longue date, et on avait aimé l’ambiance et les paysages », raconte sobrement le duo installé à Bouilland, charmant village caché sous la protection des falaises.
Lui a remporté Top Chef 2010 à 24 ans. Puis ce bistrotier dans l’âme a fort bien tenu une belle adresse du Xe arrondissement, Le Galopin, ainsi qu’une cave à manger attenante. Elle est une sommelière au joli parcours, bien dans son époque écoresponsable. À Beaune, les trentenaires se sont vite acoquiné, question de génération et d’affect, avec le distillateur Mathieu Sabbagh, la famille Escoffier et Bertrand Gueucier, le chef du Bistrot des Falaises. « Il y a de bonnes énergies ici, c’est bienveillant, personne ne cache son fournisseur », apprécie le Normand.
De Puligny à Mexico
RÀDE, pour « Restaurant À Demeure », dit bien cet état d’esprit simple et partageur. Ioulia et Romain ont rendu leur métier itinérant. Ils sont à l’écoute de toute opportunité. Cette grande liberté permet d’être en résidence tout le mois de juillet à la belle maison Chanzy de Puligny-Montrachet. Ou de remplir son panier au marché de Beaune et de cuisiner directement chez le touriste en quête d’authenticité. Parfois, les « résidences » vont plus loin, comme au Mexique l’an dernier. « C’est un peu une mise en danger professionnelle, qui demande à chaque fois de trouver des fournisseurs, de comprendre l’art de vivre local… On remet souvent tout en jeu », analyse Romain, rentré de Mexico avec plein de bons souvenirs « et de quoi faire la plus belle cave de mezcal en Bourgogne ! »
Ioulia ne perd pas une goutte de cette aventure. En bonne gestionnaire, la solaire sommelière apporte une attention particulière à l’approche culturale des producteurs qu’elle répertorie. Elle est aussi devenue, par la force des choses, un second de cuisine irréprochable. « Iou me connait bien », apprécie son compagnon.
Cantine du village
Parfois, la géopolitique s’invite à la table sans qu’on ne l’ait sonnée. Lui est d’origine ukrainienne, elle vient de Russie. Pas grave, chacun œuvre pour la paix des ménages. « Et sa grand-mère nous fait de super bons bortschs », sourit Romain.
Il faut au moins ce niveau de complicité pour gérer la proposition culinaire de la Cuisine expérientielle. La Cité de la Gastronomie est en effet leur autre terrain de jeu, en relation directe avec William et Lauriane Krief, les parents du Village gastronomique. « Ça a bien matché entre nous. J’aimais cette idée de cantine du village, avec de très beaux produits, une ambiance décontractée, et un aspect ludique dans les propositions. »
Ce challenge événementiel est particulièrement excitant pour un jeune chef. Les jeudis soir, la Cuisine expérientielle proposera par exemple des soirées thématiques insolites (voir calendrier de l’été ici). Romain a inauguré le concept le 14 juillet, en revisitant un menu historique puisé dans l’incroyable fonds gourmand de la Bibliothèque patrimoniale de Dijon. « Un beau menu de 1952, servi à l’occasion de la fête nationale sur un paquebot. » Encore une histoire de rade.