Vougeot pour Cîteaux : la quête du siècle !

La vente-événement en faveur du Définitoire de l’abbaye de Cîteaux, fruit d’une solidarité vigneronne fédérée par le château du Clos de Vougeot, a atteint des sommets. Plus de 850 000 euros serviront à la rénovation du vénérable bâtiment cistercien. Retour sur cette inoubliable opération, ponctuée en beauté par une soirée de gala le samedi 24 avril.

En Bourgogne, cela va finir par se savoir, la viticulture de terroir doit tout à ses moines. Il y a des siècles, avec rigueur et instinct, ils ont posé les bases de ce chapelet de climats sacralisés par l’Unesco, qui enfantent des vins atteignant les sommets et font parfois de nos vignerons des stars planétaires.

Le château du Clos de Vougeot et la Fondation du patrimoine connaissent mieux que personne ce contexte. Ils ont souhaité se mobiliser pour la restauration du Définitoire de l’abbaye de Cîteaux, car le vénérable bâtiment montre des signes de fatigue (lire encadré page suivante). Joyau du patrimoine historique français, l’abbaye, fondée en 1098, est le berceau de toutes les communautés cisterciennes du monde. Le symbole est fort, il dépasse de très loin nos petits murgers de vignes. Dom Pierre-André Burton, père abbé depuis septembre, confirme : « Cîteaux s’apprécie quand on sait regarder au-delà des apparences. L’abbaye porte les stigmates d’une longue histoire mouvementée, portée par des hommes depuis 9 siècles. L’enjeu contemporain est de garder vivant un patrimoine monumental mais aussi et surtout spirituel. » 

Retour d’ascenseur

Grâce à la solidarité vigneronne, un retour d’ascenseur historique vient d’avoir lieu. 24 domaines propriétaires avaient en effet mis en commun leurs raisins pour donner naissance à un Clos-Vougeot grand cru 2020 « Cuvée de l’Abbaye de Cîteaux » et rendre un peu de ce qu’on leur a donné. 570 litres, soit 2 pièces et une feuillette, séparés en 113 lots collectors, ont été livrés à la folie des enchères sur internet, du 8 au 23 avril grâce au spécialiste de l’exercice Sotheby’s. Cette vente en ligne était complétée par une galaxie de bourgognes de rêve (dont le premier millésime de Clos-Vougeot du domaine Leroy en 1988), en provenance directe des domaines solidaires de l’opération. Sans le plus célèbre des châteaux de Bourgogne, sans la confrérie des Chevaliers du Tastevin et sa capacité d’entraînement hors-norme, rien de tout cela ne serait arrivé.

Samedi 23 avril, au château du Clos de Vougeot, on clôturait donc cette extraordinaire « quête » par un dîner de gala, comme sait si bien le faire la confrérie qui y loge toute l’année. 300 personnes étaient là, des moines de Cîteaux au « pape » Aubert de Villaine, en passant par Guillaume Poitrinal, le sémillant et influent président de la Fondation du patrimoine.

Le nabu !

Sur l’estrade, entre la poire et le fromage, la vente de l’incroyable « nabu » (15 litres, soit l’équivalent de 20 bouteilles) réservé aux participants fut un moment d’apothéose. Un généreux couple originaire d’Angers a fait grimper l’enchère à 55 000 euros, repartant (probablement) avec la plus grande bouteille de son existence, soigneusement enfermée, comme toutes les autres de cette cuvée, dans un superbe écrin sur-mesure signé des Ateliers de Langalerie, référence de la marqueterie française installée à Dijon. Rien n’avait été laissé au hasard. Tout devait être à la hauteur de ce moment historique. 

C’est vers minuit, à l’heure où l’on hésite entre le café et la prunelle, que le décompte officiel est tombé, étourdissant : l’opération « Vougeot pour Cîteaux » a permis de lever en un temps record 852 750 euros, témoignant de la puissance des vins de Bourgogne. « On a frappé fort », en convenait sobrement Arnaud Orsel, l’intendant général de la confrérie, à la base du projet. Guillaume Poitrinal, pourtant habitué à ce genre de levées de fonds, ne pouvait s’empêcher de savourer ce moment, en compagnie de son délégué régional Jean-Christophe Bonnard : « La Fondation du patrimoine représente 70 salariés et 900 bénévoles, elle sait donc ce qu’est donner et recevoir. Donner, ce n’est pas dire qu’on a trop pour nous-même. Nous qui avons tant reçu, de nos parents, de notre pays, de nos entreprises, savons combien le patrimoine est notre richesse commune et universelle. Ce sens du partage est notre ciment, notre vivre ensemble. » Un moine n’aurait pas dit mieux.