À Saulieu, la maison Bernard Loiseau ouvre la cage à souvenirs

L’hommage à Bernard Loiseau provoque une effervescence médiatique. C’est alors que la télé régionale vous demande de témoigner sur cet illustre personnage, en partage avec celle qui en fut la plus proche : son épouse Dominique. La boîte à souvenirs est ouverte. Séquence émotion.

Au siècle dernier, pour un des premiers numéros de Bourgogne Magazine, notre fidèle photographe Jean-Luc Petit immortalisait un merveilleux moment de famille, chez les Loiseau, à Saulieu. © Jean-Luc Petit

Il y a ce très vieux numéro de Bourgogne Magazine ouvert sur la table du Relais Bernard Loiseau de Saulieu. Bérangère a du mal à lâcher du regard une double page photo signée Jean-Luc Petit. Elle se revoit, communicante avant l’heure, tenant sagement une tranche de pain de mie, les yeux et le sourire fixés vers l’objectif.

Près d’elle, Blanche, la petite dernière, la fille à son papa, la gourmandise incarnée, dont les pensées plongent sans détour vers une indécente et fascinante mousse au chocolat. Derrière, Bernard en rit. Il feint de donner la cuillérée à Bastien, un gaillard déterminé aux allures de poulbot endimanché. Dominique règne en mère de famille, théière à la main. La scène est parfaite.

La poularde d’Alexandre

La réussite d’un reportage tient à la trace que celui-ci laisse dans les esprits. Cette image idéale, artificiellement mise en scène pour les besoins d’un magazine en est la preuve. Un quart de siècle plus tard, le cliché parle toujours. Bérangère et Dominique se passent et repassent le magazine. La boîte à souvenirs est ouverte.

Ça tombe bien, nous sommes là pour parler du grand Bernard. France 3 Bourgogne-Franche-Comté prépare une émission de 13 minutes. On m’a demandé de partager un témoignage sur le grand homme au côté de celle qui l’a connu le mieux, son épouse, la mère de ses enfants. J’en suis flatté. Et en même temps très ému.

L’interview dure une poignée de minutes. C’est la télé. Le temps quand même de rappeler à quel point Bernard Loiseau savait se montrer généreux. Il avait, en mars 1996, créé les conditions de la célébration d’un premier anniversaire somptueux pour Bourgogne Magazine. Avec une centaine de convives rassemblés autour de de la fameuse poularde à la vapeur d’Alexandre Dumaine que le chef voulait réaliser en hommage à son prédécesseur vénéré. Un incroyable moment pour nous tous.

Extrait du Bourgogne Magazine n°1, paru en 1995, avec le chef sommelier Lyonel Leconte à l’honneur. © Bourgogne Magazine

La relève est là

En ce jour frais de mars 2023, la boîte à souvenirs déroule son copieux menu. On croise alors un profil remarquable, qui n’a pas changé d’un pouce. « Itinéraire d’un nez gâté » avions-nous titré à son sujet, dans le tout premier numéro de Bourgogne Magazine. C’était juste avant que Lyonel Lecomte, tout jeune Meilleur sommelier de France « fabriqué » à l’école Loiseau, vole de ses propres ailes pour faire une belle carrière. Sa présence est un événement. Il n’avait pratiquement pas remis les pieds ici depuis près de 25 ans.

Dans les couloirs du Relais, déambule un autre revenant. Hiroshi Yamaguchi fit ses débuts à Saulieu. Il fut le chef du restaurant que Bernard Loiseau ouvrit à Kobe, avant que cette belle et incroyable aventure ne fasse les frais d’un tremblement de terre. Le grand cuisinier japonais est resté au pays. Son nom rayonne sur le fronton du Kitano Hotel, un Relais & Châteaux. Il sera ce vendredi à la Cité de la gastronomie de Dijon pour tenir conférence sur le thème de « Loiseau Picasso ». La boucle est bouclée.

Dans les cuisines, c’est l’effervescence. Patrick Bertron entame sa dernière ligne droite après plus de 40 ans de bons et loyaux services. Mais il a toujours l’air d’un jeune premier. Le patron, c’est encore lui.

Dans son sillage, Louis-Philippe Vigilant, l’ancien chef de Loiseau des Ducs à Dijon, dont il se dit qu’il déborde d’ambition pour la maison Loiseau. Le grand cirque des étoiles est un défi permanent. Pas très loin de lui, un chef pâtissier fait des miracles. Xavier Jacquin, 33 ans, puise dans la proximité morvandelle les instruments de ses idées. Comme tout ce qui respire dans cette maison, son art relève de l’évidence. On appelle ça le talent. La relève de Bernard Loiseau est en marche.