Chasseur de châteaux : la regrettée forteresse de Vergy

Dans une chronique patrimoine, on pourrait parler de hautes tours, d’éléments de défense, de décors intemporels… Pourtant, aujourd’hui, nous allons parler de tout autre chose… Notre chasseur de châteaux vous emmène du côté de l’ancienne forteresse de Vergy, dont il ne reste que des ruines aujourd’hui.

Par Julien Marquis, notre chasseur de châteaux

La forteresse de Vergy résonne encore dans les mémoires des férus de l’histoire de notre glorieuse Bourgogne. En effet, Vergy, c’est d’abord une famille prestigieuse, de serviteurs du duc, allant même au XIIIe siècle jusqu’au mariage d’Alix de Vergy à Eudes III, duc de Bourgogne. Par la suite, on ne compte plus les grands personnages du duché et même du royaume qui ont un lien avec l’illustre famille de Vergy.

Un des châteaux les plus longs de Bourgogne

Qui dit famille puissante dit château à la hauteur de cette puissance. La forteresse de Vergy, située sur un éperon barré entre Beaune et Dijon, est une position défensive unique qui rendra la forteresse imprenable pendant bien des siècles. La famille de Vergy n’est pas de façon continue propriétaire de la forteresse, mais bien des familles accolent à leur nom celui de Vergy quand ils ont la chance de détenir cette immense demeure.

La montagne de Vergy est une arête calcaire de 700 mètres de longueur, et large de 10 à 50 mètres. Au nord se trouve la porte principale du château, tandis que la pointe sud est occupée par l’Abbaye Saint-Vivant. À l’intérieur, la cour principale mesurait 400 mètres de long, flanquée de 14 tours semi-circulaires. En comparaison, la forteresse de Chinon ne fait « que » 500 mètres de long.

Reproduction artistique de la forteresse de Vergy, côté nord-est. © Michel Barastier

Le début de la fin

Jusqu’au XVIe siècle, la puissance de cette bâtisse – dont les premières fortifications remontent au XIe siècle – ne sera jamais contestée. Bien au contraire. En fonction des alliances et désaccords, on construira même autour de Vergy plusieurs châteaux servants à défendre le territoire contre un châtelain de Vergy parfois trop ambitieux. Berceau de la truffe de Bourgogne, le château d’Entre-Deux-Monts est un exemple parfait.

A la fin du XVIe siècle, Vergy sera tenu par les ligueurs dont Guillaume de Saulx, fils de Gaspard de Saulx de Tavannes (un fervent catholique qui massacra à tour de bras des protestants pendant la Saint-Barthélémy, mais aussi un proche lieutenant de François 1er) et gendre de Léonor Chabot, dit Chabot-Charny, un lieutenant général qui n’exécuta pas les ordres de Charles IX dans la région.

C’est à cette même époque que le roi Henri IV commence à trouver les grandes forteresses bourguignonnes un peu trop encombrantes. Il ordonnera de démanteler Noyers (Yonne), Talant, Duesme (Châtillonnais) et Vergy entre 1599 et 1610. C’est ainsi que se termine la vie des grandes forteresses bourguignonnes. Il faut imaginer que certaines étaient des équivalents de Carcassonne. Noyers, notamment, avec ses 23 tours de fortifications au niveau de la ville et plus de 20 en ce qui concerne le château et ses différentes fortifications.

Pourquoi détruire un château comme Vergy ou Noyers ?

Un château, quel qu’il soit, c’est un outil de défense, dans l’esprit du Moyen-Âge. Il assure une protection aux villageois, aux récoltes. C’est un lieu où on rend la justice, c’est l’habitation d’un seigneur. Mais, en définitif, le château est surtout un lieu de pouvoir. Il n’y a pas de pouvoir sans château, et vice versa, au Moyen-Âge. À l’aube de l’époque moderne, lorsqu’une dynastie doit imposer son nom et sa puissance, s’en prendre aux châteaux est un acte aussi symbolique que stratégique. D’une part, ces forteresses coutent extrêmement cher à l’entretien. Et d’autre part, la révolution de l’artillerie fait que, dès le XVe siècle, ses forteresses ne sont plus vraiment imprenables. Les raser devient donc un acte politique, celui d’un souverain dans l’affirmation de son pouvoir.

La forteresse de Vergy aujourd’hui

Mais pourquoi vous parler de Vergy aujourd’hui, alors même que le château n’existe plus ? Tout simplement parce que la balade sur les hauteurs de Reulle-Vergy laisse entrevoir la puissance du lieu, la puissance de son environnement géographique (son éperon rocheux) et que la fin de la promenade vous permettra aussi de découvrir les ruines en pleines renaissance de l’abbaye Saint-Vivant en contrebas du château.

Selon moi, c’est une des plus merveilleuses balades entre Beaune et Dijon, au milieu des grands crus, au cœur de la grande histoire de la Bourgogne et surtout une magnifique découverte de paysages. 

1610 – Procès-verbal de la démolition de la place et château de Vergy

« On s’attaqua d’abord aux portes du grand Couhard, de la casemate, des grilles et du petit pont-levis séparant le château du grand fossé, puis on démolit les trois grandes portes, les guichets et pont-levis du côté du nord. Comme il y avait un puits en face de la chapelle Saint-Denis, on pensa à le combler avec les démolitions ; à cet effet on chercha à en connaître la profondeur en se servant d’une corde qui donna 102 m de profondeur et 53 m en eau. Du côté du Couhard était un éperon revêtu de belles pierres de taille soigneusement maçonnées qui avait 38 pieds d’épaisseur. Second puits transformé en latrines. Un ravelin construit pendant la Ligue entre les deux portes du château. »