Le Chasseur de châteaux murmurait à l’oreille des châtelains, dénotant dans le monde rigide des tours et des courtines. Icaunais iconoclaste, cuisinier passionné, négociateur bienveillant, chroniqueur amoureux des vieilles pierres, Julien Marquis a été vaincu par la maladie, dimanche 12 mai, à l’âge de 42 ans. Tôt. Bien trop tôt. Injustement.
« Hello Julien, comment vas-tu ? Je suppose que nos silences respectifs correspondent à nos occupations débordantes, d’un côté comme de l’autre. » Le long SMS de ce dimanche 12 mai à 10h23 commence ainsi. Il vise à obtenir de Julien Marquis sa précieuse contribution à la réalisation d’un dossier sur Les nouveaux châtelains, qui sera publié dans le prochain Bourgogne Magazine. Sans savoir qu’au même moment se joue un drame irréparable. Notre irremplaçable Chasseur de châteaux rend les armes face à une impitoyable maladie qui le rongeait intérieurement depuis un certain temps.
Sauveur de Rochefort
Julien, déjà, c’était la gentillesse et la passion réunies. Deux qualités qui lui ont même fait tenir, quelques années durant, une table un peu canaille, Ô Marquis, à Noyers-sur-Serein, sur ses terres de l’Yonne. Il se dit encore que sa tête de veau avait fière allure.
Mais sa mission venue d’en haut, parmi toutes, était de sauver les châteaux. Asnières-en-Montagne, Maulnes ou encore la belle forteresse du XIIe siècle de Druyes-les-Bellefontaines ont jalonné son parcours militant. De pierre en pierre, le voilà devenu un expert reconnu. Stéphane Bern en personne finit par l’inviter à l’Élysée pour saluer son invention aussi culottée que bien pensée, la sauvegarde du château côte-d’orien de Rochefort par le financement participatif.
Inarrêtable, incomparable, celui qui s’était auto proclamé « Chasseur de châteaux » déclarait pouvoir « murmurer à l’oreille des châtelains ». Pas faux quand on voit l’émotion exprimée après son grand saut dans l’au-delà, au sein du réseau des propriétaires de tours et de pont-levis.
Nous avons été les témoins privilégiés de certains de ses exploits. En 2022 par exemple, le Grand circuit du Patrimoine et du goût, un événement Bourgogne Magazine à Dijon-Prenois, permet à Julien Marquis de retrouver Maryline Martin.
Passeur de Pisy
Ces retrouvailles incitent la patronne de l’incroyable chantier médiéval de Guédelon, à se pencher sur le sort du château de Pisy. La bâtisse du XIIIe siècle, au sud de l’Yonne, n’attendait que ça pour renaître. Guédelon bascule alors dans une nouvelle expérience de restauration en direct, dans son style pédagogique, avec le souci de la reconstitution historique des méthodes de construction, utilisant les techniques originelles des bâtisseurs.
Julien qui se savait pourtant menacé par la maladie, multipliait les projets. Il nous avait confié ses inquiétudes l’année dernière, dans l’intimité d’un repas amical. Entre deux plats, nous confrontions avec amusement (et en même temps lucidité), les incertitudes liées à nos pathologies respectives.
Si l’auteur de ces lignes ne s’en sort pas trop mal aujourd’hui, l’issue aura été bien plus injuste pour ce jeune homme brillant et attachant. Sans avoir jamais cédé à la fatalité ni abandonné son appétit pour la vie, Julien a tenu bon jusqu’à ce dimanche gris dans nos cœurs. Et ce SMS malheureux, qui percute de plein fouet la cruelle réalité. Julien Marquis reposera désormais à Guérande près de sa famille. Là-haut, son âme veillera sur le patrimoine chatelain des anges. Nous pensons à ses proches, à ses deux enfants.