La tribune du Marquis : doit-on nationaliser le château de La Rochepot ?

Le château de La Rochepot est un symbole du patrimoine bourguignon. Mais depuis quelques années, ce monument a été délaissé, saisi par la justice et dépecé de ses meubles, de sa vie et de son âme. Julien Marquis, notre chroniqueur patrimoine, ouvre le débat : doit-on nationaliser le château de La Rochepot ?

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Par Julien Marquis

Le château de La Rochepot, forteresse néogothique datant du XIIe siècle, fut longtemps la propriété des Pot, une famille originaire du Limousin (propriétaire du château de la Prune-au-Pot notamment). Cette grande famille de serviteurs du pouvoir ducal – Régnier et Philippe Pot pour ne citer que les membres les plus célèbres – fit beaucoup parler d’elle à la fin du Moyen Âge. Qui dit famille puissante, dit château puissant. Le château-fort de La Rochepot fait partie des très imposantes forteresses de notre belle Bourgogne. 

Le château a connu de prestigieux propriétaires. En 1893, le château est racheté en ruine par Cécile Carnot, la femme du président Sadi Carnot. Elle l’offre à son fils ainé, Lazare-Hippolyte-Sadi Carnot, colonel d’infanterie, qui consacrera 26 ans de sa vie à reconstruire ce célèbre monument dans l’esprit du XVe siècle. 

Red flag !

En 2015, l’histoire du château de La Rochepot bascule. La famille Carnot vend le domaine à une société luxembourgeoise avec des investisseurs ukrainiens. À titre personnel, en tant que professionnel du patrimoine, c’est un « red flag » lorsque j’entends le mot « investissement » et plusieurs noms de pays dans la même phrase. Il en est de même avec les projets d’hôtel de luxe au milieu de nulle part. Ça ne veut pas dire que le projet ne se fera pas. Cela veut juste dire que ce n’est pas forcément la poule aux œufs d’or tant attendue qui débarque !

La preuve en est : après plusieurs années d’exploitation en dents de scie, l’habitant principal, un ukrainien recherché par Interpol, a fini derrière les barreaux. La justice a saisi la plupart de ses biens en France et a procédé à la vente aux enchères du mobilier du château. Grave erreur ! On ne sépare jamais un château de son mobilier, même si celui-ci n’a pas forcément d’intérêt historique au sens de l’administration (c’est-à-dire au moins 200 ou 300 ans de continuité dans le monument). Aujourd’hui, c’est le flou total.

Malmené, pas entretenu, le château est quasi à l’abandon depuis huit ans. Aujourd’hui, que sait-on de son avenir ? Pas grand chose… Beaucoup de rumeurs, beaucoup d’appréhension (voire de ressentiments) de la part des habitants du village qui souffrent économiquement de sa fermeture, mais assez peu de pistes. Selon moi, voici trois hypothèses possibles :

👉 Hypothèse n°1 : le château est finalement vendu, aux enchères ou par un autre biais. Le risque de retomber sur un projet bancal, voire foireux, est grand. La justice passe rarement par des agents immobiliers comme moi pour trouver les propriétaires idéaux, et c’est bien dommage. Avec cette hypothèse, on peut s’inquiéter de voir le château changé en appartement. Là aussi, c’est un « red flag« . Un bâtiment comme celui-ci ne peut pas accueillir ce type de projets, la législation devrait d’ailleurs l’interdire.
👉 Hypothèse n°2 : le château est récupéré par l’État ou une institution culturelle, comme le Centre des monuments nationaux (CMN). Ce serait la solution idéale pour le château. Une gestion plutôt efficace du CMN pourrait relancer la machine touristique rapidement. Via le Mobilier national (une institution dépendant du ministère de la Culture), on peut imaginer que le château soit en partie remeublé. Imaginez, en plus, un beau projet de médiation sur les grands serviteurs à la cour ducale et une expérience historique autour de la vie de la famille Pot. Une aventure que j’adorerais découvrir… Le problème de fond est de savoir si l’État peut et doit s’occuper d’un château ? J’aurais tendance à dire oui pour le cas de La Rochepot, mais non pour d’autres. Le château de La Rochepot est un symbole, avec une attractivité forte, le risque est assez faible et la puissance publique a toutes les cartes en main pour exploiter ce monument et le faire revivre. 
👉 Hypothèse n°3 : une collectivité se lance dans la bataille et remporte le morceau. La Rochepot serait un projet structurant pour une Région, un Département ou une communauté de communes. Récupérer la gestion de ce domaine, c’est assurer un flux touristique important pour cette partie du territoire. Je connais beaucoup de départements qui seraient déjà sur les rangs dans d’autres régions. 

Alors, doit-on nationaliser le château de La Rochepot ? Oui ! Il faut que la puissance publique s’empare de ce sujet qui a une forte valeur ajoutée touristique et patrimoniale pour le territoire.  Un projet historico-touristique dans un lieu comme celui-ci promet des retombées économiques. 1 euro investi dans le patrimoine, c’est 21 euros de retombées pour un territoire selon la Fondation du patrimoine. Une collectivité pourrait donc structurer un équipement touristique et créer de la fierté. Beaucoup d’entre nous rêvent de voir revivre cette belle endormie.